Les chiffres du chômage de l’année 2014, devenus une sorte d’aiguilleur de la politique française, sont mauvais. Le nombre de chômeurs de catégorie A (en recherche effective d’emplois) s’élève désormais à près de 3,5 millions de personnes en métropole, selon les chiffres publiés hier, mardi 27 janvier, par Pôle emploi. Toutes catégories confondues (A, B et C), c’est-à-dire si l’on inclut les personnes ayant une activité à temps partiel, le chiffre est quasiment doublé : 5,2 millions de personnes à la recherche d’un emploi. Comment ces données ont-elles été traitées par les médias français ?
Chômage : l’échec des politiques européennes ?
Mediapart fait le portrait d’une politique européenne et française qui sert les intérêts des entreprises avant celui des travailleurs. « (…) La victoire de Syrisa en Grèce place en porte-à-faux les socialistes français et les confronte à cette question : encore combien de temps mettront-ils en œuvre une politique économique qui gonfle les dividendes du CAC 40 mais fait le lit du chômage et de la pauvreté ? », écrit Laurent Mauduit dans un article publié aujourd’hui sur le pure-player d’informations et d’enquêtes. Le journaliste économique pointe la multiplication des contrats précaires et la fragilité des CDI dans un pays où « les pauvres sont de plus en plus pauvres » et de plus en plus nombreux.
La politique de M. Hollande critiquée
Le Figaro titrait hier : « Il n’y a jamais eu autant de chômeurs en France ». Avec un brin de moquerie, le journal rappelle les promesses non tenues de M. Hollande : « Plus qu’une inversion, c’est donc en quelque sorte « une accélération« de la courbe du chômage qu’ont subie les Français l’année dernière. » Certains mots reviennent plus souvent que d’autres, comme « record », « mauvais bilan », « échec » ou « épreuve ». Mediapart parlait de mauvaise conjoncture et de réformes malheureuses (avec la loi Macron en tête de liste). La plupart des médias nationaux ou régionaux n’hésitent pas à fustiger la politique économique du mi-mandat hollandais. L’Alsace fait référence au discours du ministre du Travail, François Rebsamen, pour faire état d’un bilan qui devrait s’alourdir au fil des mois : « Une prévision « moins mauvaise que celle de l’année dernière« , veut se rassurer le ministre du Travail François Rebsamen, en référence à l’augmentation de 182 000 en 2014. Il faut donc s’attendre à encore une année au moins de « records« , chaque fin de mois… »
Lynchage du PS : l’autre « union nationale »
Une dépêche de l’AFP publié dans La Croix rapporte les réactions d’hommes politiques de tous bords : pour Eric Woerth (UMP), « le chômage est la tragédie française. L’unité nationale ne vaut pas quand chaque jour qui passe amène 855 chômeurs de plus (…) ». Pour Olivier Dartigolles, le porte-parole du PCF, « François Hollande et Manuel Valls doivent rendre des comptes » tandis que pour François Philippot (FN), ce chiffre est le « fruit pourri des politiques eurostupides du PS et de l’UMP ». La majorité des politiques semblent s’accorder à dire que la hausse du chômage est une conséquence directe d’un manquement de la présidence Hollande. Auraient-ils fait mieux ? La victoire de Syriza (parti grec anti-austérité) va-t-elle permettre un regain d’espoir et se traduire par des actes ? La « doxa néolibérale », comme l’appelle M. Mauduit, continuera-t-elle à dominer l’Europe pour le meilleur et pour le pire ?
Comme le rappelle Libération, les allégements de cotisations prévues par le pacte de responsabilité seront concrétisés cette année, tandis que « la baisse des prix du pétrole, la politique monétaire plus accommodante de la BCE ou encore du plan d’investissement européen » pourraient avoir des effets positifs sur l’emploi. Il paraît pourtant illusoire de croire que cela suffira à endiguer l’atonie actuelle du marché de l’emploi. La victoire de Syriza a le mérite de permettre à la parole et à la colère populaire d’être prise en compte. C’est déjà une victoire en soi.
Adèle Binaisse