Les Amériques, état des lieux III

Nous voici dans notre troisième et pour l’instant dernier volet concernant les Amériques, avec un aperçu sur l’Amérique du Sud. J’ai voulu énumérer ces pays selon les critères géographiques, par conséquent du nord au sud et du sud au nord.

Par Eren M.Paykal
Publié en Janvier 2023

Les Amériques, état des lieux III

Nous voici dans notre troisième et pour l’instant dernier volet concernant les Amériques, avec un aperçu sur l’Amérique du Sud.

J’ai voulu énumérer ces pays selon les critères géographiques, par conséquent du nord au sud et du sud au nord.

La République de Colombie : Terre des Libertadores, des guerres civiles dévastatrices, membre de l’ancienne Fédération de la Grande Colombie, la Colombie est typique de l’Amérique latine par ses contrastes, ses richesses incommensurables et ses faiblesses, sa grandeur et sa décadence, évoqués de façon grandiose par le fils du pays, Gabriel Garcia Marquez. Longtemps plaque tournante du trafic de cocaïne, la Colombie a toujours été le théâtre d’une lutte entre les classes dominantes et le reste de la société, souvent sous forme de guérilla.  La paix difficilement aboutie avec les FARC n’a malheureusement pas donné le résultat escompté. Précisons cependant que les Escadrons de la mort, milices paramilitaires d’extrême droite, ont eu un rôle déterminant dans ce demi-échec. Finalement, les élections présidentielles de juin 2022 ont vu la victoire historique du premier président de gauche, Gustavo Petro, issu de la guérilla, sur l’oligarchie traditionnelle qui avait dirigé le pays sans interruption. Petro rétablit les relations diplomatiques avec son voisin le Venezuela, et met fin à des hostilités de longue date provenant des régimes antérieurs pro-américains. La tâche de Petro est lourde mais pour le moins, l’espoir existe pour une Colombie plus humaniste et égalitaire.

La République de l’Équateur : Petit pays pétrolier coincé entre le Pacifique et les Andes, l’Équateur est une terre violente, opposant l’oligarchie aux couches moins aisées de la population. Le climat politique est instable, causant une dégradation économique. Jadis grand allié du chavisme sous la présidence du partisan du « socialisme du XXIe siècle » Rafael Mashi Correa (2007-2017), l’Équateur tourne à droite avec le vice-président de ce parti devenu président, Lenin Moreno (un traître selon Correa), et avec son successeur Guillermo Lasso. La procédure judiciaire pour corruption à l’encontre de Rafael Correa empêche ce dernier, en exil à Bruxelles, de retourner dans son pays. Les droits des Amérindiens, qui avaient progressé avec la gauche, se dégradent drastiquement. Le futur du pays est incertain avec ce terrain politique des plus glissants...

La République du Pérou : Berceau des civilisations précolombiennes de l’Amérique du Sud, le Pérou est un autre reflet du modèle inégalitaire latino-américain, causant maintes insurrections et coups d’État… Des présidents autoritaires, des régimes corrompus, des populations meurtries soit par des Escadrons de la mort, soit par le Sendero Luminoso, guérilla maoïste impitoyable et anachronique, le Pérou maintient le record des présidents destitués par le Congrès ou la justice. Tandis que j’écrivais ces lignes, le président élu d’obédience marxiste, l’ancien instituteur Pedro Castillo, accusé de coup d’État, était destitué le 7 décembre 2022. Sa vice-présidente du même parti Perù Libre, Mme Dina Boluerte, est proclamée présidente par le Congrès. Elle devient la première femme accédant à ce poste dans son pays. Plus modérée que son prédécesseur et très proche des États-Unis, Mme Boluerte souhaite former un gouvernement d’union nationale et régner jusqu’en 2026. Les conflits frontaliers avec l’Équateur existent toujours. D’autre part, Pedro Castillo, qui avait évoqué une ouverture sur la mer pour son voisin bolivien ‒ créant donc le tollé quant à un possible transfert territorial à ce pays ‒ pourrait même être prochainement jugé pour haute trahison. En parlant de terrain glissant…

La République du Chili : Pays très européanisé à la situation géographique très particulière, le Chili a, durant des décennies, pu élargir ses territoires grâce à une armée que l’on peut considérer comme la plus puissante du continent après celle des États-Unis. C’est cette armée qui a renversé  le régime du marxiste Salvador Allende. Après des décennies, le Chili change de constitution et cette année, les élections consacrent le retour à la gauche radicale avec le succès d’un leader hors norme, le jeune Gabriel Boric… Mais Boric se distancie des gouvernements radicaux comme le Venezuela, Cuba et le Nicaragua, en prônant les droits humains. En difficulté avec la classe dominante, il essaie d’équilibrer toutes ces couches de la population. Malgré son idéologie de gauche, il est un allié fidèle des États-Unis et un ami du premier ministre canadien Trudeau, farouche ennemi du Venezuela. Un pays à suivre.

L’État plurinational de Bolivie : Un pays avec des ressources comme le cuivre.  Une nation avec plusieurs ethnies amérindiennes. Le pays où fut tué le Che. Le coup d’État pro-américain qui avait écarté le gouvernement nationaliste d’Evo Morales a échoué. Les nationalistes ont gagné à nouveau les élections. La Bolivie est le premier pays à déclarer les majorités indiennes comme parties dominantes du pays, et le seul pays à être membre du groupe ALBA en Amérique du Sud après le retrait de l’Équateur.

La République d’Argentine : Pays de toutes les légendes et beautés, l’Argentine est le plus européen des pays latino-américains. Mais c’est aussi le pays d’une lutte entre différents types de péronisme. Après la présidence ultralibérale et pro-américaine du président Carlos el Turco Menem qui a ruiné le pays, la gauche est au pouvoir avec les Kirchner (Cristina est la vice-présidente actuelle) et le président Fernandez. L’économie est toujours en difficulté. La présidence est favorable à une intégration régionale. La justice veut punir Cristina, mais c’est une autre histoire. Des aspirations territoriales quant aux Falkland persistent et persisteront sans résultat…

Les Iles Falkland : Dépendance du Royaume-Uni. L’Argentine, les considérant comme des territoires argentins, les a envahis durant la dictature, et son armée a été anéantie par les forces britanniques. La population qu’on appelle les Kelpers, d’origine britannique, souhaite rester sous la couronne britannique. L’indépendance est donc exclue, comme pour le Gibraltar.

La République Orientale de l’Uruguay : État frontalier entre le Brésil et l’Argentine, c’est le pays le plus développé intellectuellement du continent. Très dépendant économiquement du Brésil, le pays a été l’un des pays du bloc de gauche américain durant les décennies du Frente Amplio. Le président José Mujica (2010-2015) est un symbole d’humilité, mais le président actuel, Luis Alberto Lacalle Pou, de capacités politiques limitées, n’est malheureusement pas à la hauteur de Mujica.

La République Fédérative du Brésil : Il faut l’admettre, ce n’est pas seulement le plus grand pays de l’Amérique du Sud, mais c’est aussi le plus beau. S’étendant de l’Atlantique aux Andes, ce pays pourrait et devrait être l’une des puissances du XXIe siècle. Mais avec une population multiculturelle où existent néanmoins certaines hostilités interethniques, l’ambiance se contente plutôt d’être bon enfant, entre le football, le cachaça et les très jolies filles. La réélection du marxiste Lula va remettre le Brésil au centre du mouvement international pro-écologiste et humaniste. Le Brésil mérite d’être l’un des pays décideurs de ce siècle.

La République bolivarienne du Venezuela : Pendant des décennies, le Venezuela a été l’un des alliés fidèles des États-Unis. Après des présidents comme Carlos Andres Peres ‒ qui avaient trahi selon moi l’héritage du Libertador Simon Bolivar et établi une oligarchie et un népotisme dignes du continent en transformant leur pays en une dominion économique américaine ‒ l’élection du nationaliste Hugo Chavez a été une bouffée d’oxygène pour un peuple meurtri. Ce régime a été malmené par des tentatives de coups d’État menées par les États-Unis, empêchées par la volonté du peuple. La mort du leader charismatique Chavez n’a néanmoins pas permis le changement de régime, malgré une pression des États-Unis avec des embargos menés contre le nouveau président Nicolás Maduro. Le régime, malgré certains aspects autoritaires, bénéficie du soutien national. Le Venezuela est à présent reconnu par la quasi-totalité de la communauté internationale, et même courtisé par les États-Unis pour son pouvoir énergétique. Le Venezuela est un défendeur de la Patria Grande, à savoir une intégration américaine. Il faut admettre que le Venezuela a des aspirations colonisatrices vis-à-vis de la Guyane voisine pour la région du Guayana Esequiba, constituant les 7/10e de cet État.