Giotto, le maître peintre et architecte de l’époque gothique, et Vasari

Dans mes précédents articles, j’ai souvent fait référence à Giorgio
Vasari et à son livre sur les artistes et peintres influents de l’époque
de la Renaissance.

Par Mehdi Emamifard
Publié en Juin 2023

Pourtant, je me retrouve à revenir à ses écrits et à essayer de comprendre son processus de pensée lorsqu’il a laissé de côté certains des artistes les plus influents qui ont contribué de manière significative au mouvement de la Renaissance.

Bien qu’il ait défendu les idées d’art, de progrès et d’évolution, ceci semble lui avoir échappé lorsqu’il s’agit d’identifier les origines du changement de paradigmes dans l’art et l’architecture. Ainsi, il a peut-être sous-évalué par inadvertance l’art et l’architecture de l’Italie du XIIIe siècle. Car de nombreux autres artistes et sculpteurs ont contribué à l’architecture et à l’art, bien des années avant Michel-Ange et Léonard De Vinci.

Des sculpteurs comme Nicola Pisano et son fils Giorgio, des peintres comme Giotto étaient considérés comme les génies initiateurs de la recréation et la revitalisation des sculptures et de l’art de la période romaine antique, et aussi de la fin du Moyen Âge. Ils ont travaillé du gothique à la fin de la période proto-Renaissance, environ 200 ans avant la naissance de Michel-Ange et 185 ans avant Léonard de Vinci.

L’envie aurait pu être le sentiment moteur des pensées de Vasari. Il a complètement ignoré (ou refusé de croire) que l’art byzantin ait pu aider ou influencer l’art en Occident, en particulier l’art florentin. Selon Vasari, l’art a eu un début absolu. Il a complètement passé sous silence l’art byzantin car il le considérait comme primitif et sans influence. Pourtant, si nous regardons attentivement et observons l’impact du style artistique de l’époque byzantine sur les peintures de Giotto, nous y voyons une ressemblance étonnante.

Les peintures de Giotto peuvent être lourdes et monumentales pour leur époque, mais elles possédaient un sens du réalisme révélant une influence sculpturale significative. Les œuvres de sculpteurs tels que Giovanni Pisano avaient un grand impact sur lui. L’œuvre d’art de Giotto semble avoir un poids et une dimension énormes, presque comme des sculptures qui prennent vie telles les statues de Pisano : impressions droites, verticales mais réalistes, et beaucoup d’accent horizontal distinctif. Son génie transforme une statue en art qui exprime et révèle l’émotion. Il imprègne tant de sentiments dans ses peintures, la profondeur psychologique est telle que l’oeuvre suscite en nous une réponse émotionnelle et un réel sentiment d’empathie.

Je me demande souvent si Vasari a délibérément orienté et formulé ses pensées pour accorder une attention particulière à une poignée d’artistes et les reconnaître comme les piliers de la Renaissance, œuvrant ainsi en incubateur de talents. Tout absorbé dans l’élaboration de son état d’esprit, Vasari aurait dessiné l’histoire de l’art dans une forme glorieuse, telle qu’elle prenait forme à cette époque glorieuse. Il est essentiel de comprendre que la grandeur de ces trois titans, Michel-Ange, Da Vinci et Raphaël, et de leur œuvre divine, est évidente et incontestable. Mais Vasari aurait également pu rendre compte de l’achèvement et de l’excellence de cette époque en parlant d’autres artistes renommés de la région et de l’époque.

On ne peut s’empêcher de réfléchir et de s’interroger sur les motivations d’un artiste comme Vasari, doté d’un esprit d’une telle grandeur mais aussi de démons irrésistibles. Une question importante qui me vient sans cesse à l’esprit est de savoir s’il jugeait dans ses écrits. À sa manière égocentrique, Vasari a défini et reconnu le talent comme « qui est bon et qui est meilleur ». Sa méthode était-elle imparfaite, ou était-ce simplement un processus naturel de changements de paradigmes de connaissances, de style et de forme transmis d’un artiste à un autre ? Si oui, pourquoi n’a-t-il pas pris en compte d’autres artistes tout aussi talentueux en dehors de cette Florence qu’il aimait et respectait si passionnément ?

Michael Emami