Le nouvel élan anti-consommation sur les réseaux sociaux : le #deinfluencing

Si vous êtes un internaute, vous avez peut-être déjà acheté des produits dont vous n'aviez pas besoin, juste parce que ces produits sont devenus viraux sur les réseaux sociaux, que vous les avez vus sur un influenceur et que vous vouliez les essayer.

Par Dr. Gözde Kurt-Yılmaz
Publié en Avril 2024

Avec des activités de marketing et de publicité qui se poursuivent 24h/24 et 7j/7 sur Internet, nous ne sommes pas seulement des internautes, mais aussi des clients potentiels dont le temps est, sans le savoir, vendu à des annonceurs et à des experts en marketing. Même si les réseaux sociaux semblent gratuits, nous y sommes tous des travailleurs non rémunérés. Selon les mots de Dallas W. Smythe, les médias transforment les masses en une marchandise qui peut être vendue aux annonceurs, et le contenu médiatique apparemment gratuit est utilisé pour attirer ces masses comme un « lunch gratuit ».

Lazarsfeld et Katz ont étudié l'effet des leaders d'opinion sur les électeurs dans les années 1940 et ont développé la théorie de la communication à double étage. Cette théorie révèle l'importance de la communication interpersonnelle. De nos jours, les leaders d'opinion virtuels sur les réseaux sociaux assurent cette communication auprès d'un large public par des collaborations publicitaires. Avec les influenceurs, nous sommes dans un vortex de shopping qui se poursuit 24h/24 et 7j/7 sur Internet. En tant que visages humains des marques, les influenceurs commercialisent des produits et services en les intégrant à leur propre style de vie. Les leaders d’opinion virtuels font souvent de la publicité sur les réseaux sociaux contre rémunération, encouragent les gens à consommer davantage et permettent aux marques d’atteindre leurs clients potentiels.

Certaines personnes vivant dans des sociétés où le taux d’éducation aux médias numériques est faible deviennent facilement la proie des appâts marketing des leaders d’opinion virtuels. Les leaders d’opinion virtuels qui encouragent la consommation excessive intègrent les gens à la société de consommation et, en identifiant la capacité de consommer aux concepts de bonheur et de liberté, romantisent les codes fondamentaux de la consommation avec ces concepts abstraits. Cependant, pour produire un seul t-shirt, il faut dépenser 2 720 litres d’eau, et 10 000 litres d’eau pour produire un pantalon. Les influenceurs ne mentionnent guère le fait que les ressources naturelles sont consommées rapidement en raison de cette surconsommation. C'est alors qu'est née une nouvelle tendance visant à transformer les gens en consommateurs conscients, positionnée à l'opposé des leaders d'opinion virtuels : le « deinfluencing » (ou « désinfluence » en français). Selon cette tendance, les pratiques d’achat imposées par les influenceurs ne profitent à personne ; bien au contraire, elles sont plutôt néfastes. Les désinfluenceurs, s’appuyant sur divers contenus, leurs propres expériences et des exemples, expliquent quoi, comment et combien consommer afin de devenir un consommateur conscient.

Les hashtags #deifluencing et #antihaul sont parmi les plus fréquemment utilisés par les désinfluenceurs sur les réseaux sociaux. La plupart du temps, les désinfluenceurs font éclater la bulle de consommation gonflée par les leaders d’opinion virtuels. Ils soulignent que les produits devenus viraux sont des astuces de marketing, et expliquent comment les économies des gens sont affectées négativement en raison d'une consommation inutile, et comment les dettes des gens se multiplient, les mettant dans l’impossibilité d’épargner. Ils promeuvent des produits plus abordables plutôt que des produits chers et populaires, et disent aux gens qu'une vie alternative et une approche de consommation alternative sont possibles, que cela est extrêmement important à la fois pour le bonheur individuel et pour la protection de la nature. Ce qui est nouveau dans cette tendance et qu’on n’a pas l’habitude de voir sur les réseaux sociaux, c’est cette manière de questionner et de trouver des réponses alternatives. Alors, comment les marques vont-elles s’en sortir ? Les marques qui investissent dans le développement durable gagneront à long terme des consommateurs conscients et investiront dans leur image de marque. Pourquoi ne serait-il pas judicieux d’acheter des produits de seconde main ou de revoir nos habitudes de consommation ? Avec la tendance à la désinfluence, des formes de questionnement que l’on ne voit pas sur les réseaux sociaux recherchent les réponses à ces questions.

Dr Gözde Kurt Yılmaz