Sur mon mur, le Saatli Maarif Takvimi

Le Saatli Maarif Takvimi (littéralement « calendrier éducatif horaire »), c’est un incontournable classique de Turquie, un calendrier-almanach éphéméride, l'un des plus beaux, que j'achète et accroche à mon mur chaque année. Permettez-moi d'énumérer quelques-unes des vieilles marques représentées : les sodas Uludağ

Par Dr. Hüseyin Latif
Publié en Février 2023

Je connais les dernières générations des propriétaires des Saatli Maarif Takvim. Hacı Kasım créa l'imprimerie Maarif en novembre 1860. Ensuite, Naci Kasım et Aydın Hanım se sont occupés de l'impression et de la distribution du calendrier.

Récemment, je suis allé leur rendre visite à nouveau dans leurs locaux. Aydın Hanım et son mari Muhsin Geylani n'étaient plus là, mais bien leurs fils Ahmet et Kasım Geylani, aux rênes de l’entreprise. J'ai été accueilli cordialement. La visite de 10 minutes prévue a duré 1h30. À mon départ, ils m’ont offert un calendrier. J'en avais déjà acheté un, et l’avais placé sous mon sapin du Nouvel An…

Je voudrais poursuivre avec l'article que j'ai écrit pour Bizimavrupa.com en janvier 2000.

* * * *

Alors que je quittais la maison aujourd'hui, j'ai réalisé que la page du Saatli Maarif Takvimi près de la porte n'avait pas été enlevée depuis mercredi. C'était comme si j'avais arraché sa dernière feuille hier, mais depuis, trois jours s'étaient écoulés. 24 x 3 = 72 heures, comme si c'était la veille. Est-ce parce que je n'avais rien fait de concret ? Aujourd'hui, c'est samedi. C'est comme si le temps avait été gâché parce qu'il allait pleuvoir.

Je suis dans l'un de mes endroits habituels, avec devant moi mon thé dans une tasse en verre, et un chapelet de pensées qui va et vient dedans...

Récemment, en passant par Bab-ı Ali, je me suis arrêté chez Madame Aydın Geylani, l'une des propriétaires du Saatli Maarif Takvim. Je dois préciser que nous ne nous connaissions pas encore. Nous avons conversé debout pendant une demi-heure. Puis j'ai choisi un calendrier à l’effigie d’Atatürk. J'avais déjà attiré l'attention de cette dame avec ce choix...

Bien qu'elle semblât heureuse dans son bureau où elle travaillait depuis des années, elle s’est dite attristée par le changement que vivait Istanbul et dont elle était témoin. Nous parlions Istanbul, Turc et langue turque quand un homme de trente-cinq ans, de taille moyenne, la chemise largement ouverte, entra avec un petit billet à la main. Il s’adressa à nous en des termes tels que « frère », « tante », « sœur ». Je vis qu’Aydın Geylani appréciait peu ces formes familières. Après le départ de cet homme, il m’apparut qu’elle et moi souffrions tous deux de la même peine : ceux qui aimaient cette belle Istanbul vivaient mal le fait que la « langue du pays » supplantât le « beau turc ». Mais il ne s’agissait pas seulement de la façon de parler de ce jeune homme au cœur ouvert. Car c’étaient aussi les termes qu’utilisait ‒ que nous donnait donc en exemple ‒ une dame qui était Premier ministre : « C'est ta sœur… », « C'est ta mère… »

Bien sûr, nous ne pouvions pas aborder ce sujet pendant cette demi-heure. Mais je suis sûr que Mme Aydın Geylani y a, tout comme moi, réfléchi ensuite.

À la fin de notre conversation, Mme Aydın Geylani m'a offert le calendrier que je voulais acheter. C'était le plus précieux des cadeaux. Car le calendrier que mon père achetait régulièrement il y a des années, dont il arrachait une page tous les soirs en rentrant du travail et nous la faisait lire jusqu'au moindre détail, m'avait été donné par son auteur.

Que dire, sinon : « Bonne année avec Saatli Maarif Takvimi »

* * * *

De retour chez moi, le jour avait changé, le temps d’arracher une nouvelle page du calendrier mural Saatli Maarif Takvimi, qui se trouve juste à côté de la porte d’entrée, était venu et même passé…

Dr Hüseyin Latif

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