L’Istanbul des chats

Il y a l’Istanbul des touristes, l’Istanbul des immigrés, l’Istanbul des Stambouliotes ou des non-Istanbuliens... Nous pouvons y ajouter une autre catégorie : l’Istanbul des chats.

Par Dr. Gözde Kurt-Yılmaz
Publié en Juin 2024

Les chats errants d'Istanbul vivent aux côtés des habitants de cette ville depuis des siècles. On estime qu’environ 150 000 chats vivent aujourd’hui dans les rues d’Istanbul…

Istanbul peut aussi être qualifiée de paradis des chats. Les chats errants d'Istanbul, vous les rencontrerez souvent dans les films, séries télévisées, documentaires et œuvres littéraires. Vous pouvez voir comment Istanbul s’est identifiée aux chats et les chats à Istanbul dans le documentaire primé intitulé Kedi (Le Chat), sorti en 2017 et réalisé par Ceyda Torun. Les chats d'Istanbul sont les vedettes de ce documentaire. Comme le dit le zoologiste britannique Desmond Morris, « le chat domestique est un paradoxe ». Les chats d'Istanbul continuent leur vie de chats en liberté, loin de ce paradoxe. Selon les dernières recherches, on estime que les chats se sont répandus dans le monde à partir du territoire de la Turquie actuelle, il y a environ 10 000 ans. Ainsi, la patrie des chats est la Turquie. Si l'on en croit l'histoire plus récente des chats à Istanbul, les Byzantins hébergeaient des chats sur leurs navires pour chasser les souris et les insectes ; et c’est depuis le port d'Istanbul, Karaköy, que les chats se sont propagés en ville.

Aujourd’hui, vous pouvez croiser un chat n’importe où à Istanbul. Ils sont partout : sur le ferry, à l'arrêt de bus, dans les lieux religieux, dans les jardins, à la bibliothèque, à la librairie, dans les parcs, dans les cafés et dans de nombreux endroits improbables. Mais il y a une autre raison pour laquelle j'ai choisi d’intituler cet article « L’Istanbul des chats » : les chats des rues ont leurs humains et leurs lieux. Lorsque les chats partagent un même lieu avec des humains, un type de relation très particulier apparaît entre ces deux espèces. Une relation un peu proche, un peu distante... Un peu indépendante, un peu dépendante... Un rien familière, un rien étrangère... Un peu tout cela, un peu rien de tout cela… L’un ou l’autre…

Peut-être que les gens des quartiers d'Istanbul où les chats sont heureux le sont-ils aussi... Par exemple, Kadıköy... Kadiköy, c’est le quartier d’Istanbul qui compte la plus grande population de chats. On peut dire que Kadıköy aime les chats et que les chats aiment Kadıköy. Par exemple, la statue du chat nommé Tombili, devenue emblématique de Kadıköy, à Ziverbey, est comme une preuve concrète de cet amour et de cette attention. À cet égard, le fait que l’on modifie affectueusement Kadıköy en « Kediköy » (« Village des chats ») montre que Kadıköy occupe une place particulière dans la mémoire de la ville en termes de soin et d'attention portés aux chats.

Lorsque je me rends dans un quartier d'Istanbul, l'une des premières choses à laquelle je veille est de regarder s'il y a de la nourriture, un bol d'eau pour chats ou chiens, ou un endroit où ces animaux peuvent s'abriter. Si j’en vois, je pense alors qu’il a de bonnes personnes qui vivent à proximité, car l’amour n’est pas un concept aussi abstrait qu’on le prétend. L’amour est tangible et visible, surtout lorsqu’il s’agit d’animaux errants. De même, et malheureusement, le manque d'amour aussi... Nous avons besoin de toute urgence de nouvelles lois en Turquie pour que tous les animaux errants puissent vivre en sécurité, en bonne santé et heureux, de nouvelles lois dissuasives élaborées et mises en œuvre pour protéger le droit à la vie de tous les animaux avec lesquels nous partageons nos rues.

Ici, je tiens à préciser que mes chats de gouttière dénommés « Bonbon » et « Mimi », qui font partie de notre vie à Kadıköy, ont joué un grand rôle dans la rédaction de cet article. Je suis vraiment heureuse d'être leur personne ! Les gens ont besoin des chats, et les chats ont besoin des humains pour vivre heureux ensemble. Comme dans l'Istanbul des chats...

Dr Gözde Kurt Yılmaz