La Republika Srpska, élément de la complexité de la Bosnie-Herzégovine

La Republika Srpska (ou République serbe de Bosnie) est l’entité regroupant les populations serbes de Bosnie. Créée le 9 janvier 1992 par Radovan Karadzic avec comme première capitale Pale, elle a pour capitale actuelle Banja Luka.

Par Dr. Olivier Buirette
Publié en Juin 2024

Ce petit pays est peuplé d’un peu plus de 1,2 millions d’habitants pour 24 857 km2.

Historiquement, les Serbes sont dans la région depuis le VIIe siècle. La Bosnie, occupée depuis 1878 suite au Congrès de Berlin et annexée en 1908 par l’Empire d’Autriche-Hongrie, va se retrouver intégrée dans le Royaume de Yougoslavie de l’entre-deux-guerres puis dans la Fédération yougoslave créée par Tito après 1945. C’est dans le cadre du processus de la proclamation de l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine en 1992 que va se créer cette République des Serbes de Bosnie auto-proclamée. S’ensuivront la guerre civile de désintégration de la Yougoslavie et le 14 décembre 1995, les accords de Dayton qui fixeront entre autres les règles d’une nouvelle cohabitation des communautés au sein de cette Bosnie qui, du temps de la Yougoslavie, était très emblématique d’un certain projet de vivre ensemble.

Les Balkans occidentaux paraissent toujours comme un espace complexe. Pour qui s’intéresse à l’histoire de la région, quelques rappels historiques sont donc nécessaires pour comprendre cette complexité.

La division de l’Empire romain en deux parties par Théodose en 395 va, on le sait, provoquer la première césure dans la région, cette ligne passant à peu près par la Croatie actuelle. L’Empire romain chrétien lui-même se partagera entre les christianismes catholique et orthodoxe, surtout après 476 et la désintégration de l’Empire romain d’Occident, constituant un des premiers aspects de cette complexité. Après 1453, ce sera au tour de Byzance, c’est-à-dire l’Empire romain d’Orient, de disparaître pour voir l’Empire ottoman s’installer dans une région qu’il avait commencé de conquérir dès le XIVe siècle.

La Sublime Porte devait donc engendrer à son tour un autre élément de cette complexité avec l’installation de ce que l’on appellera dans la région, un Islam européen. Une partie en effet des populations locales se convertissent à la religion musulmane et cohabitent dans les Balkans avec les populations chrétiennes orthodoxes et catholiques.

Ainsi les Balkans de l’Ouest, et donc plus proche de nous l’ex-Yougoslavie, sont devenus une terre de mixité à la fois ethnique composée de Serbes, de Croates, de Slovènes, d’Albanais, de Macédoniens et de Monténégrins, mais aussi une terre de mixité religieuse à la suite de ce que nous venons d’évoquer.

Du temps où tout cela était sous l’autorité des grands empires régionaux, ces populations vivaient ensemble sans trop de problèmes.

C’est au XIXe siècle que tout va changer avec la conjonction de deux éléments historiques. En l’occurrence, le retrait de l’Empire ottoman de la région va s’ajouter au mouvement des nationalités qui traverse tout le siècle et se traduit dans les Balkans pas les premières indépendances des peuples de la région : celle de la Grèce en 1830 puis après le congrès de Berlin en 1878, celles de la Serbie, du Monténégro, puis celles d’autres pays rattachés à la zone balkanique à l’époque, à savoir la Roumanie et la Bulgarie.

Après l’épisode d’annexion par l’Empire d’Autriche-Hongrie de la Bosnie-Herzégovine en 1878 puis 1908, les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913 et enfin la Première Guerre mondiale, succéderont donc les deux formes de fédérations de cette diversité régionale : à savoir celle du Royaume de Yougoslavie pendant l’entre-deux guerres et enfin, après la Deuxième Guerre mondiale, la fédération yougoslave autour de Tito.

La dissolution de la Yougoslavie et la guerre civile qui a marqué la fin des années 90 devaient donc refaire apparaître les problèmes de cohabitation de toutes ces minorités ethniques et religieuses qui, on l’a vu, s’étaient beaucoup cristallisés sur la Bosnie-Herzégovine. Si une nouvelle forme de cohabitation avait pu se mettre en place en 1995 avec les accords de Dayton, il n’est pas non plus étonnant que les Serbes de la région aient également souhaité devenir définitivement un petit État indépendant sous la forme de la Republika Srpska, Nous en sommes donc toujours là plus de vingt ans après la fin du conflit.

Depuis, l’idée de poursuivre l’élargissement de l’Union européenne dans les Balkans occidentaux a fait son chemin. Même si le processus en sera fort probablement long, c’est sans doute au regard de l’Histoire un élément qui stabilisera une région où, que ce soit par divers empires ou ici par une structure supranationale démocratique qu’est l’UE, la traduction de la mise en commun de cette diversité régionale a toujours été un élément à la fois fédérateur mais aussi générateur de paix et de stabilité sociale et économique. On indiquera ici pour conclure que depuis fin mars 2024, la Bosnie-Herzégovine a obtenu le statut de candidate officielle à l’entrée dans l’UE.

Dr Olivier Buirette