Une solution « pacifique » pour les territoires français d’outre-mer ?

L’Empire colonial français occupa une frange importante de l’Histoire avec ses hauts et ses bas, laissant une trace indélébile dans les pays occupés.

Par Eren M.Paykal
Publié en Juin 2024

Du point de vue économique, cette domination a secoué drastiquement les pays colonisés, ayant des répercussions plus que négatives pour ce qui est ce qu’on appelle « la Françafrique »,  une suite de la colonisation française dans ce continent.

Néanmoins, du point de vue culturel, la pensée française, reflet d’une connaissance raffinée et inspirée, a pu s’infiltrer de façon positive dans les populations dirigées, donnant naissance à une élite progressiste qui a pu marier les réalités du terroir aux idéaux contemporains : comme Aimé Césaire en Martinique ou le grand Léopold Sédar Senghor, premier président de la République sénégalaise. Ce père de la démocratie a permis, grâce aux fondements qu’il avait su établir, la réalisation d’une des grandes victoires des élections africaines récemment effectuées dans ce pays, berceau d’une grande tradition et d’ouverture pour les libertés. D’autre part, la présence culturelle française via l’architecture, la gastronomie et la mode, marque toujours d’un éclat et d’un raffinement des pays comme la Louisiane ou le Québec, entre autres.

Mais revenons à nos jours. Les territoires français d’outre-mer (COM) ou les poussières de l’empire colonial sont pour la plupart rassemblés en Amérique, en Océan Indien et en Océanie.

Pour l’Amérique du Sud, nous avons le seul territoire continental sous domination étrangère : la Guyane.

Pour les îles des Caraïbes, il existe plusieurs entités à statuts différents : la Martinique, la Guadeloupe et dépendances, Saint-Barthélemy, Saint-Martin.

Pour l’Amérique septentrionale, un petit archipel dans les eaux canadiennes : Saint-Pierre-et-Miquelon.

Pour l’Océan Indien, outre les îles inhabitées, la Réunion et Mayotte.

Et enfin pour l’Océanie, des pays importants avec un poids économique et stratégique comme la Nouvelle-Calédonie/Kanaky et la Polynésie, et d’une moindre importance, les îles Wallis-et-Futuna.

J’exclus de cette liste la Corse, qui est en passe d’obtenir son autonomie au terme de consultations fructueuses avec la République française.

Dans les territoires susmentionnés, des aspirations pour une plus grande autonomie, voire une indépendance totale, existent. La décision va revenir finalement aux populations locales, après entente avec l’État français.

Il faudrait accepter la réalité des instabilités et déséquilibres sociaux secouant plus ou moins l’ordre constitutionnel. C’est le cas de la Nouvelle-Calédonie où une partie importante de la population, les Kanaks, souhaite un pays libre et souverain. Ou encore la Polynésie présidée par M. Moetai Brotherson, du parti indépendantiste Tāvini huiraʻatira nō te ao māʻohi (Servir le Peuple autochtone). M. Brotherson envisage d’organiser un référendum pour l’indépendance polynésienne dans les années à venir.

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, une désillusion persiste au sein de la société divisée entre les nationalistes et les loyalistes, causant des heurts sévères entre les deux parties.

En Amérique, la situation économique délétère pousse les populations martiniquaise, guadeloupéenne et surtout guyanaise à revendiquer plus d’autonomie, surtout suivant l’exemple corse.

Pour pouvoir rencontrer ces aspirations, l’on pourrait conseiller les modèles du Pacifique (le mot pacifique est donc utilisé dans les deux sens !) : soit celui des États-Unis, soit de celui de la Nouvelle-Zélande.

Pour les États-Unis, un accord d’État associé a été établi avec les anciens territoires sous tutelle, à savoir les États Fédérés de Micronésie, la République des Marshall, la République de Palau ‒ les îles Mariannes du Nord ayant décidé de rester sous domination américaine en tant que Commonwealth des îles Mariannes du Nord.

Pour les autres trois États associés, la loi sur le Compact of Free Association (COFA) de 1985 a approuvé une résolution commune entre les États-Unis, la République des Îles Marshall (RMI), les États fédérés de Micronésie (FSM) et par la suite Palau qui a mis fin à la domination des États-Unis. La résolution a également établi les FSM, la RMI, et Palau par la suite, en tant que nations indépendantes et a décidé d’une relation spéciale entre les États-Unis et ces nations. Ces pays sont devenus membres des Nations-Unies en maintenant une association libre avec les États-Unis.

Un autre exemple, toujours pacifique et de l’Océan Pacifique, concerne l’association entre la Nouvelle-Zélande et ses deux États associés : les îles Cook et Niue. Ce sont des entités indépendantes, reconnues comme États de pleins droits par la Turquie et les États-Unis entre autres. Les Îles Cook bénéficient depuis la Constitution du 4 août 1965 d'une très large autonomie politique vis-à-vis de la Nouvelle-Zélande, ayant le statut d'État associé. Elles ont la complète responsabilité pour gérer leurs affaires internes et, depuis 2001, également dans la conduite de leurs affaires étrangères. La déclaration commune du 6 avril 2001 stipule en effet que « les Îles Cook peuvent nouer des relations avec la Communauté internationale et agir en tant qu'État souverain et indépendant » (Joint Centenary declaration of the principles of the relationship between the Cook Islands and New Zealand 6, avril 2001).

Le même statut est valable pour Niue. Les Nations-Unies vont aussi envisager que soient admis comme membres à part entière ces deux États associés. Un autre territoire néo-zélandais, Tokelau, pourrait bénéficier du même statut après approbation suite aux référendums pour l’indépendance, ce qui a leur été refusé jusqu’à maintenant.

Ces deux méthodes permettent une certaine indépendance de ces États et leur représentation souveraine dans le concert des nations, à commencer au sein des Nations-Unies, tout en maintenant une association égale avec le pays dont ils dépendaient…

Ces systèmes pourraient être adoptés non seulement par la France mais aussi par les Pays-Bas pour Curaçao, Aruba et Sint Marteen, ou le Royaume du Danemark pour le Groenland et les îles Féroé. Et pourquoi pas pour l’Écosse, le Pays de Galles, l’Île de Man, Jersey et Guernesey pour le Royaume-Uni…

Eren Paykal