La biophilie urgente

Après une journée stressante, nous avons envie de nous promener au bord de la mer, d'aller au parc ou de faire une promenade dans la nature.

Par Dr. Gözde Kurt-Yılmaz
Publié en Juin 2024

Dans de telles circonstances, rien ne peut remplacer le fait de sortir pour prendre l’air et sentir le soleil et le vent sur notre peau. La marche en randonnée nous apporte toujours quelque chose au-delà de nos attentes. Des fleurs colorées, des champs verdoyants, un ciel clair, une nuit pluvieuse, une forêt habillée d'automne, des nids d'oiseaux... Quelqu'un qui aime vraiment la nature y rencontre partout la beauté. Lorsque nous sommes seuls avec la nature, il nous semble que celle-ci ait de grands secrets à nous révéler, et c'est effectivement le cas… Communiquer avec la nature nous permet de communiquer avec nous-mêmes et avec l'univers. Les gens cherchent des réponses à certaines de leurs questions dans la nature. Le cycle des débuts et des fins dans la nature murmure à l’oreille humaine le caractère naturel des débuts et des fins. Tout comme les fleurs fleurissent, notre espoir fleurit aussi. Un ciel gris, ce ne sont que des nuages ​​qui passent. Les étoiles peuvent représenter le temps, la lune peut représenter l’espace. Les couchers de soleil nous rappellent que certaines choses qui ont une fin peuvent aussi être belles, et les levers de soleil, que les ténèbres débouchent sur la lumière… Une souche d’arbre pourrie a toujours sa beauté dans une symphonie pastorale.

De nos jours, c'est un grand privilège de vivre en contact avec la nature, surtout pour les citadins. Camper en forêt, partir en vacances dans un endroit où l'on peut respirer l'air marin, aller dans un village, escalader une montagne, faire de la plongée, sauter en parachute... Autant d'occasions de profiter de la nature. Cependant, la nature n’est pas qu’un autre endroit à visiter. La nature, c’est notre maison, mais dans la vie urbaine, beaucoup d’entre nous vivent loin de cette vérité. Lorsque tel est le cas, la « biophilie urgente » devient inévitable. La biophilie urgente (ou impérieuse) décrit le désir conscient des gens d'interagir avec la nature pendant les périodes de stress. Le concept (Urgent Biophilia) a été introduit par E. Fromm en 1964, et dans l’approche de E.O. Wilson en 1984, est décrit comme « la tendance humaine innée à se concentrer et à s'engager dans les formes de vie et les processus qui ressemblent à la vie ». Des études démontrent les avantages mentaux et physiques du contact avec la nature, ainsi que les effets négatifs du manque de contact avec la nature.

Dans ce contexte, il est extrêmement important, pour la santé de tous, de réaliser des plans d’aménagement urbains dans lesquels respirer et de passer du temps dans les espaces verts des villes où nous vivons, au bord de la mer, des lacs et des rivières, ne serait pas un luxe. Nous avons tous vécu des exemples concrets de biophilie urgente lors de la pandémie de Covid-19 en 2020. Pendant la période de confinement, notre envie de sortir, de prendre l’air, de se promener au bord de la mer, d’aller au parc ou au jardin est due à ce besoin impérieux. Dans les périodes à risque comme les pandémies, l’aménagement de la ville, la conception des espaces de vie, l’importance accordée aux espaces verts et à la nature sont des enjeux qui affectent directement la santé publique en général. La biophilie urgente est la plus grande preuve que la nature est maîtresse de l’homme.

Terminons l'article par une citation du livre de Frédéric Gros, Marcher, une philosophie : « On n’est donc pas seul, parce qu’en marchant on gagne la sympathie de tout ce qui, vivant, nous entoure : les arbres et les fleurs. C’est à ce point qu’on part parfois marcher simplement pour rendre visite : rendre visite à des coins de verdure, à des bouquets d’arbres, à des vallons violets. On se dit au bout de quelques jours, quelques semaines, quelques années : cela fait décidément trop longtemps que je ne s’y suis pas allé. Cela m’attend, il faut s’y rendre à pied. Et le chemin lentement, la consistance sous les pas, la disposition des collines, la hauteur des forêts, tout se retrouve : ce sont des connaissances. »

Dr. Gözde Kurt Yılmaz