Un roman voyageant de Constantinople à Nice : Lascaris, le Sang de Byzance

​Quel est le sujet du livre ? Mon roman historique, Lascaris, le Sang de Byzance,  qui va bientôt paraître en France, raconte l’histoire de la famille byzantine des Lascaris entre le XIIIe siècle et la Révolution française.

Par Gisèle Durero Köseoğlu
Publié en Juin 2024

Il commence à Constantinople lors de la conquête de la ville par la quatrième croisade. Théodore Lascaris, gendre de l’empereur byzantin, s’enfuit et devient quatre ans plus tard empereur de Nicée. Le mariage de la princesse impériale Eudoxie Lascaris avec Guillaume-Pierre de Vintimille marque le début d’un nouvel épisode qui conduit les descendants des Lascaris au comté de Tende, où s’illustrent des héroïnes légendaires ; puis à Nice, dans les fastes du Palais Lascaris, jusqu’à son saccage par les Sans-culottes.

Pour quelles raisons me suis-je intéressée à cette famille ? Parce que leur histoire est digne d’une épopée et emblématique de la Roue de la fortune. Théodore Lascaris est le fondateur et le premier empereur de l’Empire de Nicée. Mais sa descendante, Eudoxie, va être mariée le plus loin possible pour l’époque, avec le seigneur de Tende. C’est donc un petit comté de montagne qui va perpétuer le nom de cette prestigieuse famille impériale et devenir son fief. Plus tard, Jean-Baptiste Lascaris, neveu de Jean-Paul Lascaris, grand-maître de l’Ordre de Malte, édifiera le palais Lascaris de Nice, qui est encore aujourd’hui, après sa restauration au XXe siècle, un des fleurons de l’architecture niçoise.

Personnages historiques ou personnages fictifs ? Mon livre est un roman. Certes, j’ai veillé à ce que je raconte puisse être en accord avec les éléments incontournables figurant dans les récits d’histoire mais on sait bien que la vérité historique est subjective, c’est pourquoi je me suis aussi octroyé des libertés d’écriture. D’autant plus que, si les sources sont abondantes pour l’histoire de Byzance, elles sont plus limitées sur celle du comté de Tende. J’ai aussi imaginé aux côtés des Lascaris, les péripéties d’une famille du peuple qui les sert sur plusieurs siècles, ce qui m’a permis de diversifier mon inspiration.

Quels aspects ai-je voulu mettre en valeur ? Tout le premier chapitre du livre raconte la conquête de Constantinople par les croisés de la quatrième croisade. C’est un événement majeur, la première prise de la ville en 1204, avant la définitive, sa conquête par Mehmet II en 1453. Je me suis surtout inspirée des chroniques des vaincus, les Byzantins, et particulièrement intéressée au pillage des trésors de la cité et à la translation des reliques sacrées du christianisme, qui se trouvent aujourd’hui en Europe, par exemple à la basilique Saint-Marc de Venise. Car on ne peut nier le côté religieux de cette guerre opposant les catholiques aux orthodoxes qu’ils considéraient comme des renégats depuis le schisme de 1054. Le deuxième chapitre concerne l’Empire de Nicée, que j’évoque à travers des miniatures. Quant à la troisième partie, elle se passe à Tende et à Nice. En ce qui concerne le comté de Tende, ce qui m’a attiré l’attention, c’est le rôle qu’ont joué les femmes dans ce petit territoire isolé et la façon dont elles ont lutté pour le préserver, jusqu’à ce que Renée de Savoie-Tende ne soit contrainte de le vendre à la Maison de Savoie. Dans cette section du roman, je reviens d’ailleurs sur les conflits religieux mais cette fois sur les guerres entre catholiques et protestants. Pour Nice, j’évoque tout d’abord le siège de la ville par François 1er, assisté par les Ottomans, car il se trouve que le comte de Tende, fils d’Anne Lascaris et de René de Savoie, attaque Nice, qui appartient à la Maison de Savoie, aux côtés des Français, même si cela peut sembler paradoxal. Mais à la fin du livre, c’est un mythique lieu niçois qui devient l’un des héros du roman, le palais Lascaris.

Et la fin des Lascaris ? Selon moi, il s’est passé deux événements majeurs qui symbolisent la

fin de cette lignée : le premier est la destruction du château de Tende par les troupes de Louis XIV, qui fait miner l’édifice. Il n’en subsiste d’ailleurs aujourd’hui qu’un pan de mur et une tour. Je crois que le saccage du palais Lascaris par les Sans-Culottes, lorsqu’ils occupent Nice en 1792, est la seconde métaphore de la fin des Lascaris, puisque le dernier s’enfuit et meurt sans descendance ; certes, il existe encore des familles portant le nom des Lascaris mais la lignée impériale et son rôle historique finissent au XVIIIe siècle.

Gisèle Durero-Koseoglu : Lascaris le Sang de Byzance, Editions Ovadia, Nice, 5 mai 2024