Une cinquantaine de livres en vingt ans ou l’œuvre d’un écrivain-voyageur

​Comment peut-on écrire une cinquantaine de livres en vingt ans ? C’est pour répondre à cette question que je suis allée rencontrer l’écrivain-voyageur turc, Bülent Demirdurak, auteur de récits de voyages, de guides touristiques et d’essais historiques.

Par Gisèle Durero Köseoğlu
Publié en Juin 2024

Après des études au lycée francophone de Galatasaray puis à la Faculté d’Économie de Marmara, il devient guide touristique en français et accompagne environ deux-cent-cinquante tours en Turquie. Cependant, en dehors de ses voyages professionnels, il ne cesse de parcourir le monde et se rend dans une centaine de pays. Ce qui le conduit, en 2003, à faire éditer son premier livre, Quatre endroits de notre planète (Yuvarlak Dünyanın Dört Köşesi, Éditions GiTa Yayınları). Cette publication marque le début d’une création considérable puisqu’il va enchaîner une multitude de livres de voyage, dont la plupart sur des pays différents, comme la France, le Pérou, la Bolivie, le Mexique, le Guatemala, le Portugal, l’Espagne, la Tunisie, le Chili, l’Europe centrale, Cuba, l’Inde, le Japon, difficile de les citer tous…

Sa méthode d’écriture ? Commencer la recherche sur un lieu étranger par une étude de son histoire et de sa littérature. Ensuite, se rendre plusieurs fois sur place, partager la vie des habitants et tenter de comprendre leurs coutumes. Les endroits où il a voyagé le plus, une vingtaine de fois, sont la France, le Mexique, l’Inde, le Pérou, le Japon et l’Iran. Pour l’Inde, il a effectué pas moins de trente séjours avant de commencer à rédiger. Chacun de ses livres de voyage est d’ailleurs écrit dans une optique différente, en fonction de l’endroit. Quels sont les pays qui l’ont le plus impressionné ? Le Japon, parce que la différence de culture y est telle, dit-il, qu’en ne cessant de s’étonner à chaque seconde et d’avoir l’impression de ne rien comprendre, c’est là qu’on finit par apprendre le plus de choses ; et ensuite l’Iran, pour les merveilles préservées de la cuture persane mais aussi parce que l’image qu’on en a développée avec nos préjugés semble assez éloignée de la réalité. Il a également beaucoup écrit sur l’Anatolie, à cause des civilisations différentes qui s’y sont succédé et y ont laissé une multitude de vestiges exceptionnels, ceux du néolithique, comme Göbeklitepe, mais encore ceux des Assyriens, des Hittites, des Phrygiens, des Lydiens, et sept-cents sites pour le seul monde gréco-romain ; d’autre part, pour la magnificence de ses paysages où l’on peut aujourd’hui pratiquer des sports hors du commun, la variété de sa nature caractérisée par de nombreuses espèces endémiques et la richesse de son folklore ou de sa gastronomie. Il rappelle enfin que c’est sur la terre d’Anatolie que se sont déroulées de nombreuses batailles parmi les plus célèbres de l’Histoire, par exemple la bataille du Granique entre Alexandre et les Perses, celle de Magnésie entre les Romains et Antiochos III, celle de Manzikert entre les Turcs seldjoukides et les Byzantins…

Les recherches historiques effectuées pour mieux appréhender chaque pays l’ont d’ailleurs conduit à reprendre, en 2016, cinq ans d’études à la Faculté d’Histoire de l’Université d’Istanbul. Passionné par l’époque de la Guerre d’Indépendance (1919-1922), de la fondation de la république turque et des réformes opérées par Atatürk, il a consacré à cette période un livre portant sur la Bataille des Dardanelles et deux sur la république, comme Le 30 août 1922 ou la voie de la république et Le 23 octobre 1923 ou la fondation de la république. Il intervient en outre dans des émissions de radio pour en parler, donne des conférences et se rend dans les écoles pour enseigner aux élèves l’histoire récente de leur pays. Quand écrit-il ? Il se lève à quatre heures du matin afin de profiter du silence lorsque tout le monde dort et travaille jusqu’à dix heures. Après, lorsqu’il n’est pas en voyage, il consacre une partie de son temps à une autre de ses passions, celle des animaux. Il s’est en effet donné pour mission quotidienne de nourrir et de faire soigner les chiens et chats errants de la ville d’Istanbul. Il s’est aussi constitué, dans tous les pays où il est passé, une collection de photographies avec des animaux exotiques, comme un aigle noir en Ukraine, un lémurien à Madagascar, un alpaga au Pérou ou une souris du désert en Tunisie.

Que souhaiter à cet écrivain dont le nombre de publications pourrait figurer au Livre Guinness des records ? Rien de moins qu’une cinquantaine d’autres livres…

Gisèle Durero-Köseoğlu