Ces justiciers du sud…

Après mon agréable entrevue avec Petros Markaris le mois dernier et profitant de la trêve estivale en cet agréable mois d’août,  je voudrais vous emmener plus avant dans la littérature du crime.

Par Eren M.Paykal
Publié en Octobre 2024

Nous avions évoqué avec Markaris les séries policières se déroulant dans le sud, à commencer par les régions méditerranéennes de pays comme la France, l’Italie ou l’Espagne. En ce qui concerne la Grèce, nous avons amplement parlé du personnage du commissaire Kostas Charitos.

Mais il y en a d’autres, et non des moindres, que je voudrais partager avec vous. À commencer par Fabio Montale, du grand auteur marseillais Jean-Claude Izzo. Malheureusement, cette série ne s’est limitée qu’à une trilogie en raison du décès prématuré d’Izzo. Son héros, Fabio est un enfant du pays marseillais, franc, bonne fourchette, aimant la boisson et combattant sans pitié la mafia, la corruption, les petits malfrats de la ville... Si vous n’avez jamais visité Marseille, vous serez plongé, rien qu’à lire ces textes, dans l’ambiance moite, sèche mais palpitante d’une Marseille en décadence mais toujours rayonnant d’une beauté unique. Le personnage a été porté à l’écran par Alain Delon, choix critiqué par les adeptes des romans qui jugeaient Delon trop à droite par rapport à Fabio Montale.

Pepe Carvalho. Voici un personnage très en dehors des clichés de la littérature policière, mais néanmoins très apprécié. Ce Galicien, qui se dit un ancien de la CIA, est  en même temps membre du Parti communiste espagnol. Fin gourmet et cuistot, il est aussi amateur de coûteux cigares. Il aime les femmes, mais la beauté n’est pas un atout majeur. Il possède une villa à Barcelone, où il aime brûler les livres de son impressionnante bibliothèque pour cuire des mets plus que succulents. Il aime voyager de Bangkok en Afghanistan, et parfois la fantaisie se mêle à la réalité. Son auteur ? Le fameux Manuel Vázquez Montalbán

Justement, un autre auteur prolifique, l’italo-sicilien Andrea Camilleri, s’est inspiré du nom de Montalban pour créer le policier de Porto Empedocle alias Vigata, le Commissaire Salvo Montalbano. Un condé très efficace qui préfère tout de même nager devant sa maison avant de commencer ses enquêtes. Friand de poissons, de fruits de mer et d’arancini, il l’est aussi de jolies filles malgré sa fiancée de longue date qui vit au nord du pays. Montalbano et la série nous entrainent dans une Sicile dangereuse, mais parée d’une beauté naturelle et humaine. La série télévisée a eu beaucoup plus de succès que les livres.

Mais passons de l’autre côté de la Méditerranée, sur le Bosphore et plus précisément à Kadıköy, où nous accueille le Başkomiser (commissaire en chef) Galip, un personnage créé par le grand auteur turc Çağatay Yaşmut, le maître de Kadıköy. Galip est un peu différent de ses confrères susmentionnés. Ni gourmet ni intellectuel, c’est un homme franc et brut en lutte avec les bas-fonds de Kadıköy, mais aussi avec des escrocs, des entrepreneurs véreux, des époux infidèles… Sa gourmandise préférée est le pain saucisse de Park Büfe sur la rive de Kadıköy. Néanmoins, il n’est pas insensible au sexe opposé, et a fréquemment des problèmes avec ses petites amies lui reprochant sa rudesse. De livre en livre, il s’affine et devient un peu plus cultivé...

Mais finissons cette série en beauté avec un personnage hors du commun : le Cajun Dave Robicheaux, du grand James Lee Burke. Ancien inspecteur de la Nouvelle-Orléans, Robicheaux a été affecté à la police de la Nouvelle-Ibérie (toujours en Louisiane) en raison de ses insubordinations et de sa manière forte. En lutte contre son alcoolisme, il attaque sans merci ‒ et toujours sans scrupule déontologique ‒ la pègre de Louisiane, et parfois d’anciennes dynasties versées dans le trafic de drogue, etc. Catholique croyant, il a une grande estime et affection pour sa fille adoptive recueillie au Salvador, Alafair (qui est d’ailleurs le prénom de la fille de Burke), mais aussi pour ses épouses, dont la première a été assassinée. Le partenaire de Robicheaux est un colosse incontrôlable : Clete Purcel (le dernier livre de la série lui est consacré). Personnage caricatural (ah, sa Cadillac rose et ses po’boys aux huîtres…), grand buveur lui aussi, il ne sème que désordre et embarras, au grand dam de son patron.

Mais, me direz-vous, lequel de ces romans préfères-tu ? Je les recommande tous, mais j’ai une faiblesse pour Fabio Montale de Jean-Claude Izzo, dont j’ai eu l’honneur de connaître la charmante épouse durant l’un de mes déplacements à Marseille.

Et bonne fête de Ferragosto à tous mes amis italiens !