Le 9 mai 2024, les élections législatives en Macédoine du Nord voient le retour au pouvoir du VMRO-DPMNE, parti nationaliste bien connu puisqu’issu de la célèbre ORIM (Organisation de la Résistance intérieure macédonienne), qui depuis les débuts du XXe siècle n’a eu de cesse de déstabiliser la région.
Dans le contexte politique européen, la tendance est en effet au retour au pouvoir de ce genre de partis politiques : les élections européennes du 9 juin l’ont largement confirmée, et les conséquences sont très loin d’être terminées.
Quelques rappels historiques sont cependant nécessaires. L’ORIM est créée à Salonique le 23 octobre 1893 par Damien Gruev et Goche Delchev dans la plus grande clandestinité, face au non-respect par l’Empire ottoman des promesses d’autonomie déterminées lors de la conférence de Berlin en 1878. L’objectif de cette création est donc d’obtenir avant toute chose l’indépendance du territoire macédonien, avec le slogan « La Macédoine aux Macédoniens ». Véritable organisation clandestine à la base, l’ORIM prend alors place au milieu d’une foule de sociétés secrètes diverses qui toutes luttent contre la présence ottomane. L’organisation met en place la résistance en divisant en districts le territoire sur lequel doit s’étendre la lutte. Sur le plan idéologique, nous sommes en présence de cadres qui ont effectué leurs études dans des établissements religieux orthodoxes bulgares et sont fortement influencés par les idées libérales occidentales. Leur revendication principale, jusqu’en 1905, est que les autorités ottomanes mettent en œuvre les réformes promises en 1878 en faveur des chrétiens. Jusqu’en 1896, l’organisation clandestine structure ses réseaux souterrains puis, à compter de cette date et face à la fermeté de la Porte, décide de travailler en dehors de l’influence des États voisins à une révolte anti-ottomane qui permettra l’indépendance de la Macédoine.
Deux tendances émergent alors au sein du mouvement, et cela le marquera jusqu’à l’entre-deux-guerres : à savoir d’un côté ceux qui seront favorables à un appui du Royaume de Bulgarie et qui se sentent Bulgares tant sur le plan culturel que linguistique ; et ceux, plus proches des Serbes et des Grecs, qui prennent leurs distances avec les États voisins et souhaitent une stricte indépendance. À compter de 1896, la structure révolutionnaire et terroriste du mouvement émerge, et l’ORIM organise dans tout le territoire des comités (que l’histoire retiendra sous le nom de Comitadjis, nom allant même jusqu’à se fondre avec la dénomination de ses membres eux-mêmes). Ces comités révolutionnaires, qui comportent des membres dans toutes les couches de la société macédonienne (popes, instituteurs, paysans, etc.) auront pour tâche de prendre les armes contre les Ottomans. Ainsi, peu à peu, une véritable structure clandestine étatique est mise en place, qui comporte entre autres une police, une justice, un service de santé, bref tous les éléments d’un État dans l’État, un État clandestin.
Le VMRO-DPMNE est donc le lointain ancêtre de cette organisation qui déstabilisera toute la région durant tout l’entre-deux-guerres dans le jeune État des Serbes, Croates et Slovènes (État SHS) et futur Royaume de Yougoslavie. Nationaliste et populiste, ce parti qui a remporté les élections pourrait en effet ranimer les tensions centrifuges qui ont toujours mis en cause l’identité même de l’existence de ce petit État des Balkans. On rappellera ici les quatre identités de la Macédoine de l’ex-Yougoslavie, avec à l’est sa revendication par les Bulgares qui la considèrent comme le berceau de leur histoire (notamment autour de la ville d’Ohrid) ; au sud, bien sûr, la contestation de son existence par la Grèce pour qui la Macédoine sera toujours celle du père d’Alexandre le Grand, Philippe II ; au nord, les revendications de la Serbie et enfin à l’ouest, celles de l’Albanie et du Kosovo qui possède une très forte minorité nationale musulmane dans un pays de religion orthodoxe, ce qui a créé depuis toujours des tensions importantes.
Au milieu de tout cela, nous avons donc la frange macédonienne de l’ancien ORIM qui, elle, représente en gros la défense de l’identité du pays. À ce sujet, la nouvelle présidente du pays, Gordana Siljanovska-Davkova, elle aussi membre du VMRO-DPMNE, a remis en cause lors de son élection en mai dernier le choix même de l’appellation officielle du pays, « Macédoine du Nord », pour lequel tous les voisins de Skopje (la capitale) s’étaient mis d’accord en 2018. Position radicale dangereuse certes, mais aussi coalition politique depuis ces élections qui pourraient sans doute temporiser les problèmes à venir, puisqu’en effet le nouveau Premier ministre, Hristijan Mickoski, chef des nationalistes conservateurs du VMRO-DPMNE, a justement conclu une alliance avec la coalition albanaise VLEN. En tout état de cause, on retiendra que c’est la cinquième fois que le VMRO-DPMNE revient au pouvoir : il l’avait en effet été en 1998, en 2006, en 2009 et en 2016.
Dans un contexte régional et européen de plus en plus complexe, les mois à venir seront, à coup sûr, intéressants à observer.