Pinocchio de Guillermo del Toro : une animation pour les adultes

Le film en stop-motion de Guillermo del Toro sorti en 2022, Pinocchio, n'est pas seulement une animation conçue pour un public adulte. Il constitue également une critique politique, se positionnant contre le fascisme et l'Italie de Mussolini à l'époque.

Par Simruğ Bahadır
Publié en Novembre 2024

Geppetto, qui a perdu son fils lors de la Première Guerre mondiale, sombre dans l'alcool et le désespoir. Un jour, il se fabrique un enfant en bois (Pinocchio) à partir d’un pin qu’il avait planté près de la tombe de son fils. Comme on le sait, Pinocchio est ensuite transformé en enfant véritable, et commence à vivre comme le fils de Geppetto.

Le film repose donc sur l’histoire originale de Pinocchio. Mais il intègre de nombreux autres éléments afin de transmettre son message au public. Le ton général du film, sombre et inquiétant, est fidèle à l’univers de Guillermo del Toro. En un sens, il évoque également les films de Tim Burton. Si vous aimez ce genre de films, Pinocchio sera pour vous incontournable.

Le point central du film, qui diffère quelque peu de l’histoire originale, n’est pas tant la transformation de Pinocchio en un véritable enfant que l'impact et la transformation qu’il opère sur son entourage. Le meilleur exemple en est le singe acolyte du méchant du film : au départ jaloux et entièrement soumis à son maître, il va, après ses interactions avec Pinocchio, développer une confiance en lui qui lui permettra de se rebeller et de prendre des décisions de manière indépendante.

Le film bénéficie d’un casting vocal impressionnant. Gregory Mann prête sa voix à Pinocchio, tandis que David Bradley incarne Geppetto. Parmi les autres grandes stars, on retrouve Cate Blanchett, Tilda Swinton, Finn Wolfhard, Burn Gorman, Ewan McGregor, Ron Perlman, Christoph Waltz, Tim Blake Nelson et John Turturro.

Pinocchio est profondément troublé par le fait de ne pas être aimé. À un moment donné du film, il se tient sous la statue de Jésus que Geppetto a sculptée pour l’église et demande : « S'ils l’aiment, pourquoi ne m’aiment-ils pas ? ». Séduit alors par les propos trompeurs du comte Volpe, le méchant du film, Pinocchio commence à travailler pour lui. Mais bien entendu, les choses ne se déroulent pas comme prévu. Pinocchio se met constamment dans des situations délicates, au point de se retrouver à plusieurs reprises face à la Fée de la Mort, un personnage absent de l’histoire originale mais qui souligne l'immortalité de Pinocchio dans cette version de del Toro.

Dans l’histoire, le Podestat veut exploiter l'immortalité de Pinocchio en l’intégrant à l’armée… Au fil du récit, nous constatons que la relation entre le Podestat et son fils est exactement à l’opposé de celle entre Geppetto et Pinocchio. Car dans le film, le fascisme est abordé à travers l'attitude des pères envers leurs fils. En échouant à accepter leurs fils tels qu'ils sont ‒ ces derniers n’étant pas tels qu'ils souhaitaient qu'ils soient ‒, tous les pères dans Pinocchio participent à cette dynamique perverse de contrôle : le Podestat (Ron Perlman), fonctionnaire qui élève son fils, Candlewick (Finn Wolfhard), avec une discipline stricte ; le marionnettiste malveillant, le comte Volpe (Christoph Waltz) et sa maltraitance envers son singe Spazzatura (Cate Blanchett) ; et même un Mussolini, habilement tourné en dérision (Tom Kenny) en tant que figure paternelle pour toute une nation.

Vous pouvez trouver le film sur la plateforme Netflix. Toujours sur Netflix, il y a également un petit documentaire qui montre les étapes de la réalisation en stop-motion. Cela vous permettra de voir à quel point cette technique nécessite un travail minutieux.

Personnellement, je trouve que cette version de Pinocchio est particulièrement originale et réussie. Le film m'a profondément marqué, et je puis dire qu'il s'agit sans doute du meilleur film que j’aie vu consacré à ce personnage. À n’absolument pas manquer.