Quand l'art et la technologie ne se rencontrent pas…

Dans le passé, ce qui a permis aux artistes de se démarquer, c’était leur capacité à suivre de près l’évolution de leur époque, à créer des tendances et à intégrer des avancées philosophiques et technologiques dans leurs œuvres. N'était-ce pas cela qui a façonné les grands mouvements artistiques ? Par exemple, les lois de Newton ont trouvé leur écho dans l’art et la philosophie, influençant

Par Sırma Parman
Publié en Novembre 2024

Dans le passé, ce qui a permis aux artistes de se démarquer, c’était leur capacité à suivre de près l’évolution de leur époque, à créer des tendances et à intégrer des avancées philosophiques et technologiques dans leurs œuvres. N'était-ce pas cela qui a façonné les grands mouvements artistiques ? Par exemple, les lois de Newton ont trouvé leur écho dans l’art et la philosophie, influençant l'humanisme. Plus tard, la théorie quantique a eu des répercussions similaires. Pourtant, aujourd'hui, la rapidité avec laquelle la technologie évolue, notamment avec l'intelligence artificielle, semble à peine se refléter dans l'art contemporain.

Même si des artistes comme Refik Anadol connaissent une ascension fulgurante grâce à leur utilisation novatrice de la technologie, ils restent des exceptions. La majorité des artistes continue de privilégier des outils plus traditionnels. Cela s'explique en partie par des préoccupations éthiques. Certains créateurs voient l'intelligence artificielle comme une menace, comme l’a montré la polémique autour de l’utilisation de l’IA dans la conception d’affiches de films. Mais ici, il ne s'agit pas de céder l'art à l'IA. Il s'agit plutôt de se demander pourquoi tant d'artistes semblent ignorer des tendances comme l'analyse de données, le machine learning ou la visualisation de données.

Est-ce parce que leur formation ne leur donne pas les compétences nécessaires ? Les artistes formés de manière classique peuvent avoir du mal à s'adapter. Or, ceux issus de formations plus contemporaines, comme Anadol, y parviennent mieux.

À travers l’histoire, les artistes qui se sont détachés des nouvelles tendances ont souvent disparu. Ceux qui sont devenus les légendes de l'art moderne, comme Picasso, ont rapidement capté et intégré ces innovations. Pensez à son célèbre tableau Les Demoiselles dAvignon : chaque Demoiselle dans cette œuvre représente une période de l'histoire de l'art. Mais l'une d'elles, inspirée par un masque africain, anticipait l'avenir de l'art. Picasso, même en ne prédisant pas exactement l'impact de cette influence, montrait une ouverture aux nouveautés.

C'est pourquoi il est surprenant de voir l’hésitation de nombreux artistes contemporains face à la technologie. Je m’étonne aussi du fait que beaucoup d’artistes femmes semblent suivre la voie de Tracey Emin, privilégiant des matériaux « féminins » comme le tissu, le fil et l’aiguille, pour exprimer la sensibilité féminine. Pourtant, les débats autour de l’identité féminine ont évolué, et il est possible d’aborder ces questions d’une manière beaucoup plus créative et contemporaine. Bien sûr, il y a des femmes artistes qui ne craignent pas la technologie, comme Sougwen Chung. Son travail explore la collaboration entre l'humain et la machine, redéfinissant ainsi le rôle de l’artiste dans un monde technologique.

Dans son essence, l’art contemporain se fonde sur des œuvres dotées de profondeur philosophique, sociologique et politique. Mais est-ce encore le cas aujourd'hui ? Si la technologie a un tel impact sur tous ces domaines, pourquoi ne pas la voir comme un élément à part entière de l'art ? Nous vivons tous déjà avec l'IA, que nous l'ayons voulu ou non, elle influence nos façons de faire.

La science évolue, les anciennes théories sont remplacées par de nouvelles, la technologie change et influence la philosophie et la manière de penser. Ces changements philosophiques stimulent d’abord l’art, la littérature, et le cinéma. Ils touchent ensuite le public à travers ces œuvres. Prenons la théorie quantique : ce n’est pas par les scientifiques que le grand public l’a découverte, mais grâce aux artistes et aux philosophes qui ont traduit ces concepts en œuvres accessibles. Mais aujourd'hui, cette chaîne de transmission semble rompue.