Une enclave des confins de l’Europe orientale : Kaliningrad

Petit territoire d’un peu plus de 15 000 km2 comptant une population d’environ un million d’habitants, situé le long de la mer Baltique au nord-ouest de la Pologne, à l’est de la Biélorussie et au sud-ouest de la Lituanie, cette enclave a été successivement occupée par différents peuples, à commencer vers 1200 par les Sambiens, puis conquise au XIIIe siècle par l’ordre des chevali

Par Dr. Olivier Buirette
Publié en Novembre 2024

Intégrée ensuite dans l’unité allemande après la guerre de 1870, elle restera dans la République de Weimar après 1918, et il faudra attendre la désintégration du IIIe Reich en 1945, les conférences de Yalta puis de Potsdam et la formation d’une nouvelle Pologne à la mesure du bloc de l’Est voulu par Staline, pour que l’enclave devienne une zone rattachée à l’URSS. Königsberg est alors débaptisée et devient désormais Kaliningrad en hommage à Mikhail Kalinine, révolutionnaire bolchevique de la révolution de 1917, fidèle compagnon de Staline et président du Soviet suprême de l’URSS de 1938 à 1946.

Durant toute la période de la guerre froide, l’enclave devait développer toute son importance puisque d’une part pleinement intégrée dans le bloc des Républiques populaires formant le bloc de l’Est, et d’autre part voisine des trois États baltes qui étaient alors des RSS (Républiques socialistes soviétiques) intégrées dans l’URSS elle-même.

Tout cela formait donc une cohérence régionale sur le plan géostratégique, jusqu’au moment où tout devait changer en deux temps.

Le premier acte, c’est bien sûr l’année 1989 et la vague de désintégration du bloc de l’Est lui-même. La Pologne ne sera alors plus une « République sœur » à partir de l’été 1989 : le pouvoir du Parti communiste polonais (le POUP) sera balayé en quelques mois, et le leader du Syndicat Solidarité, Lech Walesa, arrivera au pouvoir, élu au suffrage universel comme président de la nouvelle Pologne libre et démocratique le 9 décembre 1990.

Le second acte sera bien entendu la désintégration de l’URSS elle-même qui cesse d’exister le 24 décembre 1991. Les trois États baltes, et donc la Lituanie voisine, vont redevenir indépendants ‒ ce qu’ils étaient, rappelons-le, pendant l’entre-deux-guerres. Mais aussi et de manière plus profonde, les États qui faisaient partie de l’Empire tsariste au XIXe siècle puis de l’URSS, deviendront indépendants à leur tour avec, pour la région, la Biélorussie et l’Ukraine.

Très rapidement, les choses vont alors évoluer : la Pologne et les États baltes vont s’ancrer vers l’Ouest. La Pologne entre dans l’OTAN le 12 mars 1999 puis dans l’UE le 1er mai 2004, et la Lituanie ainsi que les deux autres États baltes entrent le 29 mars 2004 dans l’OTAN puis également le 1er mai 2004 dans l’UE.

On le voit, tout le contexte régional s’en trouve bouleversé, et Kaliningrad devient alors de fait une véritable enclave de la Fédération de Russie, entourée de pays ralliés aux Occidentaux à la fois sur le plan militaire, mais aussi sur le plan économique et politique avec l’Union européenne. On notera également l’existence de ce petit couloir polonais au niveau de la ville de Suwalki séparant l’enclave de la Biélorussie.

Ironie de l’histoire, on se souviendra que dans cette même région avait existé pendant l’entre- deux-guerres un autre « couloir » entre l’Allemagne et la Prusse orientale : la ville de Dantzig, l’actuelle Gdansk ; et que c’est de ce point de tension de l’époque que s’était déclenchée la seconde guerre mondiale.

Certes, dans le contexte actuel, la situation de l’enclave russe de Kaliningrad est un des points chauds que les médias nous rappellent régulièrement, au cœur de l’un des mécanismes historiques tendus que l’on retrouve en effet dans la période contemporaine. Mais fort heureusement, l’Histoire ne se répète pas, et nous voulons croire que cette situation régionale complexe retrouvera, à plus ou moins long terme, une situation apaisée.