Avec une Commission européenne composée de 8 commissaires centre-européen sur 24 de 2019 à 2024, et à présent de 12 sur 26, l’on constate que le poids des pays d’Europe centrale et orientale s’accroit. On se propose ici de revenir sur les enjeux que profile cette augmentation, en revenant sur les élargissements historiques de ce que l’on appelé la « réunification européenne », qui devait voir en deux vagues princi
Ursula von der Leyen a été élue en 2019, puis réélue en juillet 2024 présidente de la Commission européenne. Ancienne ministre de la Famille, puis du Travail des gouvernements d’Angela Merkel, son influence sur la Commission européenne marque un certain nombre de changements.
En effet, alors que la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne s’achèvera en décembre, force est de constater que les postes des commissaires européens voient dans leurs attributions une augmentation des pays d’Europe centrale et orientale. L’influence des vieux États fondateurs comme la France et les Pays Bas, par exemple, semble diminuer au profit d’un accroissement des petits pays centre-européens.
Nous devons sans doute voir là une sorte de retour de la prise en compte de la longue durée, tant on se souviendra, en historien que nous sommes, que l’Europe gravita longtemps sur le plan continental autour du Saint Empire romain germanique et même, sans remonter si loin, autour de la Mitteleuropa elle-même.
Ces nouveaux commissaires occuperont donc des postes importants : Kaja Kallas (Estonie) est ainsi en charge des Affaires étrangères et la Politique de Sécurité, désignation stratégique dans le contexte européen actuel marqué par le conflit en Ukraine, mais aussi le retour des zones de tensions aux frontières de l’UE comme en Géorgie ou en Moldavie.
De même, la Santé est attribuée à Oliver Varhelyi (Hongrie), ainsi que deux postes économiques importants : le Commerce et la Sécurité économique, à Maros Sefcovic (Slovaquie) ; l’Économie et la Productivité, à Valdis Dombrovskis (Lettonie).
Enfin, le poste de commissaire à l’Élargissement est pour Marta Kos (Slovénie) et encore plus important, celui de la Défense, à Andrius Kubilius (Lituanie).
On constatera une bonne représentation des trois États baltes dont l’histoire fut dramatique : libres en 1918, ils furent annexés, rappelons-le, dès 1939 suite au pacte germano-soviétique, et ne devaient retrouver la liberté qu’à partir du début des années 90 après la chute de l’URSS.
L’ouverture sur les Balkans est significative de par l’attribution du poste de commissaire à l’Élargissement à la Slovénie, mais aussi celle de l’important poste tourné vers la Méditerranée à Dúbravka Suica (Croatie). Ajoutons que la Bulgarie, avec Ekaterina Zaharieva, commissaire à la Recherche, et la Roumanie, avec Roxana Minzatu vice-présidente aux Populations, ne sont pas oubliés.
La France n’obtient finalement qu’un poste de vice-président exécutif à la Prospérité et à la Stratégie industrielle attribué à Stéphane Séjourné, ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Gabriel Attal. Attributions du même ordre pour la Belgique, l’Italie, les Pays Bas ou encore la Belgique, tous pays fondateurs de la construction européenne.
Cette Commission souhaite donc le passage à une nouvelle époque, celle où les récents pays élargis des vagues de 2002, 2007 et 2013 vont pouvoir donner toute leur voix à la poursuite de la construction européenne, et ce quelle qu’elle soit.
Le fait que le Commissariat à l’Élargissement soit attribué à la Slovénie, petit pays à la fois alpestre et méditerranéen qui fut le premier à quitter la fédération yougoslave, est sans doute là tout un symbole. La prochaine vague d’élargissements n’est elle pas envisagée à l’horizon 2030 ?
Certes, cette fin d’année 2024 est confuse, embrumée par divers conflits avec de graves problèmes économiques. Mais la situation n’était-elle pas plus grave encore quand six pays d’Europe occidentale fondèrent en 1951, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier), prélude à la Communauté économique européenne qui suivra ?
Plus que jamais, la poursuite de l’aventure européenne dépendra de la volonté des femmes et des hommes qui la construiront.