Le vendredi 25 octobre, me voilà en route pour une destination que j’apprécie particulièrement : Safranbolu. Durant huit ans, j’y suis allée régulièrement dans le cadre de son festival de films documentaires, le Safran d'Or, où j’étais membre du jury.
Située dans la région ouest de la mer Noire, cette ville occupait jadis une position très importante sur la route du commerce caravanier, qui a relié durant plusieurs siècles l'Orient et l'Europe. Son centre historique est un parfait exemple de ville ottomane qui a survécu jusqu'à nos jours, ce qui lui a valu, depuis 1994, son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. En marchant dans ses rues pavées et sinueuses, on découvre les maisons en bois et en briques crues appelées konak. Et l’accueil chaleureux des habitants, la convivialité ambiante font qu'on se sent très vite intégré dans ce décor historique.
Cette fois, je vais à Safranbolu pour suivre la huitième édition du festival Safran d’Or. Malheureusement, les festivités du festival ont été annulées en raison d’un attentat survenu la veille à Istanbul. Néanmoins, j’ai pu découvrir le lendemain, par une journée ensoleillée d’automne, les champs où on pouvait voir des rangées de fleurs de safran à perte de vue. Sous les rayons du soleil, les pétales violets des magnifiques et délicates fleurs de safran s’ouvrent pour laisser entrevoir les trois fameuses tiges de couleur rouge qui deviendront la précieuse épice, le safran.
Avec les visiteurs, nous avons observé la cueillette du safran. La maire de Safranbolu, Mme Elif Köse, était également sur place. Je l’ai interrogée sur l’importance du safran pour la ville, elle me répondit : « Nous sommes réunis pour une nouvelle cueillette des fleurs de ce safran qui a donné son nom à notre ville. Cette précieuse épice pour laquelle nous avons obtenu d’abord l’indication géographique nationale puis, depuis l’année dernière, l’indication géographique européenne internationale, possède de très nombreuses vertus, et elle contribue au tourisme de notre ville. En effet, durant la période de sa récolte, nous recevons beaucoup de visiteurs. »
Après la visite des plantations de safran, nous sommes allés déambuler dans les rues du centre historique de la ville et déguster les différentes spécialités préparées avec la saveur inégalable du safran, comme les lokoums au safran.
Le festival Safran d’Or
Bahadır Acar est le directeur des affaires culturelles et sociales de la municipalité de Safranbolu, où il travaille depuis 15 ans. Il est chargé d’organiser les événements culturels et artistiques, et c’est dans ce cadre qu’il s’occupe de l’organisation du festival Safran d’Or.
Parlez-nous un peu du festival Safran d’Or. D’où est venue cette idée, et quel est son objectif ?
Cette aventure a commencé il y a huit ans. Notre ville de Safranbolu tirant son nom du safran, épice qui avait une grande importance pendant la période ottomane, nous avons décidé de créer un festival pour mieux promouvoir le safran, tant au niveau national qu'international. Ce festival, qui est aussi un événement festif, a lieu en octobre et est devenu une activité touristique au fil des ans. La récolte ne se fait pas en un seul jour, c'est un processus qui commence à la mi-octobre et se poursuit jusqu'à la fin novembre tant que le temps est favorable. Courant octobre-novembre, des visiteurs, qu'ils soient locaux ou étrangers, viennent pour découvrir les plantations de safran. Ils voient alors qu’il s'agit d’une plante très délicate et difficile à récolter. Seule nous intéresse la partie femelle, le pistil, qui est composé de trois filaments rouge vif. Le jour de la cueillette, on sépare ces filaments de la fleur et on les met sécher. Il faut donc cueillir 160 tonnes de fleurs pour environ un kilo de safran.
En découvrant cette magnifique fleur, les visiteurs comprennent donc les difficultés rencontrées par ceux qui la cultivent. C’est pourquoi le safran a une valeur très importante sur les marchés : il se situe actuellement autour de 350 000 lires par kilo, et il est souvent vendu au gramme.
Le safran est une épice très puissante en parfum, on peut aussi l’utiliser pour faire des desserts, du thé et cette année au festival, nous avons découvert la limonade au safran, très appréciée par ceux qui l’ont goûtée.
Un des moments forts de ce festival est le concours de cuisine et de gastronomie, où on peut découvrir de nouveaux plats préparés avec du safran. Pouvez-vous nous en parler ?
Comme je vous l'ai dit, le but du festival est de mieux faire connaître le safran, en particulier sa véritable saveur, car ce dernier peut parfois être confondu avec une autre épice, notamment le carthame ou le safran bâtard. Même si l’Iran reste le plus grand producteur de safran avec une production annuelle de 150 à 200 tonnes, le safran cultivé en Turquie est de meilleure qualité, sa production annuelle avoisine les 10 tonnes. Dans ce concours de cuisine, nous faisons découvrir des plats cuisinés avec du safran.
Nous avons découvert aussi des lokoums au safran. Est-ce une spécialité de Safranbolu ?
La fabrication des lokoums est très ancienne, et Safranbolu est aussi réputée pour ses lokoums. Les lokoums traditionnels étaient préparés avec des noisettes et de la noix de coco. Les lokoums au safran sont apparus dans les années 90 et remportent un franc succès grâce à leur saveur et couleur qui rappelle le safran.