Crise en Roumanie fin 2024 : une extension du choc des influences entre l’Est et l’Ouest ?

Après les cas récents observés en Moldavie et en Géorgie, la Roumanie, lors de sa dernière élection présidentielle, vient à son tour d’être confrontée à des moments de tension.

Qui l’eût cru, alors que nous pensions cet espace géographique arrimé à l’Occident depuis la création de la Grande Roumanie en 1920 puis, après la guerre froide, son intégration

Par Dr. Olivier Buirette
Publié en Février 2025

C’est pourtant ce à quoi nous venons d’assister ces derniers mois. Essayons donc de comprendre ces événements, et ce comme toujours à la lumière de l’histoire récente.

On gardera en mémoire le processus de constitution du territoire roumain actuel, après la signature des traités de paix de la fin de la Première Guerre mondiale et la naissance de la Grande Roumanie en 1920 réunissant les trois grandes principautés du XIXe siècle (Valachie, Transylvanie et Moldavie), auxquelles allaient être attribués des territoires des Empires centraux démembrés.

Cette monarchie parlementaire pro-occidentale disparut dans les troubles de la fin des années 1930, pour devenir un État du bloc communiste pendant la guerre froide de 1945 à 1989.

Cette année 1989 vit s’effondrer le régime national-communiste de Nicolae Ceausescu, dont le pouvoir sanglant se termina en décembre 1989 par une guerre civile et le procès sommaire suivi de l’exécution du conducator et de son épouse.

Le début de l’année 1990 verra le retour à la démocratie parlementaire et la transformation de l’ancien parti communiste en Front National du Salut (FSN). Celui-ci, en la personne du réformateur Ion Iliescu, se maintiendra au pouvoir le temps de la transition vers le retour à une économie libérale. Cette période fut aussi marquée en 1992 par la reconnaissance de la République de Moldavie (annexée à l’URSS suite au Pacte germano-soviétique d’août 1939). Cette reconnaissance était aussi celle de facto, et ce dès 1992 (à l’issue de la guerre du Dniestr), de l’appartenance de la Moldavie à ladite zone d’influence russe.

Les Roumains devront attendre la fin de cette alternance en 1996 avec le limogeage et la remise en cause d’Iliescu par l’élection d’un nouveau président : Emil Constantinescu. Mais c’est après un ultime retour aux affaires de 2000 à 2004 qu’Ion Iliescu s’effacera définitivement avec la victoire de Traian Basescu. À ce stade, la transition était définitivement terminée. La jeune démocratie roumaine se tournait alors vers l’Occident, comme l’ensemble des anciens pays du bloc de l’Est. Ainsi, en 2004, la Roumanie intègre logiquement l’OTAN, puis l’Union européenne en 2007.

Un nouveau tournant aura lieu à partir de 2009, au moment où le pays sera frappé par les problèmes économiques liés à la grande crise de 2008. Les alternances politiques qui vont alors se succéder seront confrontées à des problèmes sociaux importants.

Ceci explique sans doute en partie le tout récent coup de théâtre qui a vu arriver le 24 novembre 2024, en position de favori à l’élection présidentielle, Călin Georgescu (du parti indépendant, nationaliste et populiste) réalisant 22,94 % des voix, devançant la candidate pro-européenne USR Eléa Lasconi et ses 19,18 % et, plus grave encore, le Premier ministre sortant Marcel Ciolacu du Parti Social-Démocrate sortant PSD (ex-Front du Salut National, FSN) avec ses 19,15 %.

Face à ces résultats, le premier tour fut annulé et la présidentielle reportée à mars 2025.

Cela rétablira-t-il une élection dans la norme européenne ? Ce n’est pas certain, car nous avons en mémoire le cas des dix ans d’exercice du PIS au pouvoir en Pologne, ainsi que les exemples toujours en cours en Slovaquie et en Hongrie.

Dans le contexte des pressions récentes sur la présidentielle moldave ou sur la victoire d’un candidat pro-russe en Géorgie, nous ne pouvons nous risquer à des pronostics, car le début de l’année 2025 verra sans doute un certain nombre de modifications des équilibres géopolitiques qui concerneront en premier lieu l’ensemble de l’espace européen.

Une fois encore ‒ mais est-il besoin de le rappeler ‒ nous avons là un véritable défi pour la nouvelle Commission européenne qui vient d’être installée, une Commission où justement le nombre de commissaires issus de l’Europe centrale et orientale est en augmentation.

N’est-ce pas là une note d’espoir pour les enjeux qui se présentent dans notre espace de vie commun ?