Alors que je dédicaçais mon roman, Lascaris le Sang de Byzance, au Festival du Livre de Nice, j’ai eu la surprise de rencontrer un lecteur m’annonçant qu’il était un descendant des Lascaris ! C’est ainsi que j’ai fait connaissance avec Jean-Paul Fouques, photographe professionnel et éditeur, auteur, en collaboration, de plusieurs livres d’art, dont, Galets, en 2015, Eloge du négatif, en 2016, <
Alors, je lui ai posé la question suivante : tant de siècles plus tard, quel sens revêt aujourd’hui le fait d’appartenir à la lignée des Lascaris ? Pour rappel, en 1204, lors de la conquête de Constantinople par la quatrième croisade, Théodore Lascaris, gendre de l’empereur byzantin, s’enfuit et fonde l’Empire de Nicée dont il devient le premier empereur. Mais en 1261, lorsque Michel Paléologue reprend Constantinople à l’Empire latin, pour se débarrasser des Lascaris dont il a usurpé le trône, il marie la princesse impériale Eudoxie Lascaris au comte Guillaume-Pierre de Vintimille. Cette union inaugure la dynastie des Lascaris-Vintimille de Tende, dont les héritiers édifieront plus tard le merveilleux palais Lascaris de Nice.
En ce qui concerne son ascendance, Jean-Paul Fouques explique que, même s’il n’a vraiment découvert sa généalogie qu’à l’adolescence, dès l’enfance, son intérêt pour le passé a commencé par des faits irrationnels qui étonnaient son entourage, car il prenait plaisir à vivre dans une autre époque. Il se passionnait pour la musique médiévale, la littérature ancienne, les vieux papiers, passait son temps à lire des contes mettant en scène des chevaliers ou à essayer de construire des châteaux dans les bois. Tout petit déjà, il tentait de se « mettre dans la peau » des gens du Moyen-âge, de parler comme eux, de s’interroger sur leurs faits d’armes, leurs croyances ou leur vie dans la ruralité, où nobles et paysans partageaient le même environnement. Ensuite, c’est son grand-père paternel, ancien maire du Broc, qui a suscité en lui la curiosité pour ses aïeux, qui descendent des Lascaris par la branche maternelle. Car au fil des siècles, les Lascaris ont essaimé dans tout le Sud de la France et leur histoire, liée à celle d’autres anciennes maisons, n’est pas seulement celle que racontent les livres ou les documents d’archives, mais elle est aussi constituée de nombreux pans qui ne sont connus que de leurs successeurs. Il possède d’ailleurs encore quelques souvenirs de famille, même si le château a été vendu.
C’est en particulier dans les repas dominicaux qu’il a entendu le récit des vies souvent hors du commun de ses ancêtres. Par exemple Joseph de Lascaris, Marquis de la Roquette-du-Var, ami de Mozart, qui eut un fils, Agostino, lui-même ami de Napoléon Bonaparte ; ou bien Achille, capitaine de navire de Lafayette à la conquête des Amériques ; ou encore, Jean-Paul de Lascaris-Castellar, 57ème Grand-Maître de l’Ordre de Malte, qui a pour ancêtre commun avec lui, Ludovic, coseigneur du Castellar, et qui fonda dans les Alpes-Maritimes la commanderie Sainte-Marguerite de Lucéram. Ce sont les fonds envoyés par le Grand-Maître à son neveu Jean-Baptiste qui permirent de faire construire, au XVIIe siècle, le palais Lascaris.
A-t-il été surpris par la publication d’écrits sur les Lascaris ? « A la réflexion, commente-t-il, la généalogie des Lascaris est importante, depuis la Grèce et la Turquie ; elle comporte des filiations avec la Maison de Savoie, les rois de Hongrie, les familles Grimaldi, Villeneuve, Castellane, et bien sûr, Vintimille, et même jusqu’à l’Espagne. » En réalité, il y voit surtout des liens de synchronicité sur la redécouverte d’épisodes oubliés ou de personnages qui ressurgissent de l’histoire ; peut-être n’est-ce pas un hasard, « les fantômes » ne sont pas à exclure, même s’il en plaisante… Pour finir, il a été heureux que le nom de ses ascendants puisse soudain ressortir au grand jour. Son projet désormais ? Créer une fondation sur les Lascaris, pour mettre à contribution son savoir et perpétuer le nom sur le plan culturel et historique. Cependant, même s’il rajoute souvent le patronyme des Lascaris au sien, ce n’est pas par prétention ou pour en tirer une gloire. C’est plutôt pour se situer dans une filiation et faire partager l’épopée de cette lignée azuréenne issue des Byzantins, qui a laissé sa trace dans les livres, aussi bien pour son histoire que pour ses légendes.