J’arrive à la fin d’une longue série concernant notre futur, c’est-à-dire les enfants, leurs peines, leur avenir, leurs espoirs et leurs malheurs. L’espoir est toujours présent, porté par des personnes généreuses et compétentes comme Madame Ülkü Arıoğlu, que j’ai eu le grand honneur d’accueillir pendant deux mois.
Mais parlons aujourd’hui de la situation des enfants contraints d’abandonner leur scolarité pour travailler, et voient ainsi leur avenir compromis. Leur drame passe souvent inaperçu, et seules leurs familles respectives appréhendent la pénible réalité.
Selon les données du TÜİK, l’Institut turc des Statistiques, alors que le taux d'enfants gravement démunis était de 31,3 % en 2023, ce taux est actuellement de 33,3 %. C’est-à-dire que près de trois enfants sur dix sont pauvres.
Si l’on inclut les apprentis, le nombre d’enfants travailleurs en Turquie dépasse le million. Tandis que la pauvreté des enfants va croissant, l’exploitation du travail des enfants s’aggrave également. Car la pauvreté est l'une des principales causes du travail infantile.
Le travail des enfants est hélas en hausse partout dans le monde. La principale raison en est que les enfants sont considérés comme une main-d’œuvre flexible, précaire, obéissante et bon marché, exploitée dans des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre et relativement peu qualifiés.
Selon les données 2020 de l'Organisation Internationale du Travail, le nombre d'enfants qui travaillent dans le monde est passé à 160 millions, dont 79 millions sont employés à des travaux pénibles et dangereux. Environ 26 % de la population turque est composée d'enfants. Cependant, en raison des difficultés économiques et de la pauvreté, les enfants sont contraints d’exercer des emplois qui nuisent à leur développement physique, mental, éducatif, social, émotionnel et culturel, avant même l’âge de 18 ans. En Turquie, les chiffres officiels ne portent actuellement que sur les enfants âgés de 15 à 17 ans. Au cours des quatre dernières années, le nombre d’enfants travailleurs a augmenté de 258 000 et a atteint 759 000 en 2023. 19,6 % des enfants âgés de 15 à 17 ans, soit un enfant sur cinq, travaillent. Même si ce groupe d'âge se situe dans les limites d’âge légales pour travailler, on sait qu'une partie importante de ces enfants sont affectés à emplois qui devraient être effectués par des employés âgés de 18 ans et plus, en raison des conditions de travail et des risques pour la santé et la sécurité.
Une autre dimension du travail des enfants en Turquie est l'apprentissage. Pour les employeurs, les apprentis constituent une source de main-d’œuvre dont les coûts sont très faibles. Le nombre d'apprentis, qui était de 319 017 en 2019, a augmenté de 42 % pour atteindre les 553 344 enfants. Dans le calcul effectué en incluant les apprentis en 2024, le nombre d'enfants travailleurs s'élèverait à 1 312 344.
Malheureusement, un nombre non négligeable de ces enfants ont perdu la vie dans des conditions de travail délétères et à haut risque. Les chiffres sont consternants :
Entre 2002 et 2004, 48 enfants travailleurs ont perdu la vie. Dans les années 2005 à 2007, 84 enfants ; entre 2008 et 2010, 65 enfants ; dans les années 2011 à 2013, 98 enfants ; pour la période de 2014 à 2016, 173 enfants ; de 2017 à 2019, 194 enfants ; de 2020 à 2022, 191 enfants, et enfin pour l’année 2023 et les cinq premiers mois de 2024, 80 enfants travailleurs ont péri durant leurs fonctions.
Pour un futur meilleur pour notre monde et notre pays, il faut assurer des conditions équitables à l’ensemble de la population, des droits égaux à tous les citoyens, un cadre favorable pour l’éducation et des mesures sociales satisfaisantes. Le rôle de l’État est primordial, mais le secteur privé devrait aussi œuvrer davantage au bien-être de la population, et en particulier celui des enfants. Un rêve ? Mais l’enfance et la jeunesse ont besoin de rêves qui se réalisent…