Du 27 septembre au 14 décembre, le lycée français Notre-Dame de Sion consacre une exposition à Pierre Loti. L’occasion de revenir sur une de ses pratiques artistiques les moins connues : la photographie.
Pourquoi s’intéresser à un aspect de l’œuvre de Pierre Loti peu présenté au public ? Anne Baradel, responsable de l’exposition explique : « en 2009, nous avons présenté une exposition, Pierre Loti dessinateur, basée sur le livre rédigé par Alain QuellaVilléger et Bruno Vercier. » À cette occasion, les deux auteurs avaient «redécouvert » des photographies de Pierre Loti et ont réalisé le livre Pierre Loti photographe, sur lequel l’exposition s’appuie.
La photographie fascine Loti en ce qu’elle permet de capturer le réel. Il se met alors à la photographie vers 1890, afin de fixer des lieux, des êtres et des moments qui lui sont chers. Ses clichés ne sont pas destinés à être publiés ou diffusés, il les prend pour son plaisir, pour s’entourer comme il aime le faire, de traces de ses voyages. En fait, la photographie est pour lui un moyen de découvrir le monde tel qu’il est « Je voudrais que le monde entier vît ce que je vois ».
Mais, bien plus qu’une « redécouverte », les clichés de Pierre Loti représentent un intérêt particulier. De par leur aspect historique tout d’abord. Car pour photographier les rues d’Istanbul, Pierre Loti se servait d’un stéréoscope. « Les photographies de l’exposition sont pour la plupart des plaques stéréoscopiques sur verre. Rien que le procédé est intéressant » commente Anne Baradel.
De par leur aspect culturel ensuite. Puisque les photographies de Pierre Loti renseignent le spectateur sur l’Istanbul d’alors. L’écrivain prenait des photos de son quotidien. Dans ses prises de vues, Loti ne cherche pas le pittoresque, mais bien plus à rendre compte de l’atmosphère d’un quartier, donner à voir les occupations de chacun. Pour autant, il semble que le commandant du Vautour souhaitait faire correspondre Istanbul à ses fantasmes d’enfant. Mais pour le chercheur Bruno Vercier « la photographie permet à Loti de se débarrasser des … clichés qui, parfois, encombrent ses livres. Ses photos, de ce point de vue, peuvent sembler bien souvent beaucoup plus modernes que certaines pages de ses livres».
Une exposition pédagogique
L’exposition arrive très bien à mettre en valeur le travail de Pierre Loti. La première partie explique comment Pierre Loti, influencé notamment par son frère photographe, en est venu à la photographie. Puis, les différents clichés sont regroupés par thématiques. Le visiteur peut ainsi découvrir le quartier de Sultanahmet, de la Corne d’or ou d’Eyüp, les marchés, les bars et les tavernes d’Istanbul ou, encore, le Bosphore et la question de la mort, car depuis son enfance, Loti est obsédé par la fuite du temps et la mort.
Anne Baradel a également tenu à reconstituer un salon ottoman. Composé de tapis, de tabourets et de livres, il permet au visiteur de s’assoir et de feuilleter des livres consacrés à Pierre Loti. « Je trouvais important de constituer cet espace, si les gens cherchent une précision concernant l’exposition, ils peuvent la trouver tout de suite. Moi-même, j’aime pouvoir m’assoir pour lire, prendre le temps dans une expo » précise celle qui travaille sur cette exposition depuis le mois de novembre dernier. Celle-ci a pris le soin d’illustrer les photographies de Pierre Loti par des citations, extraites de ses livres ou de ses correspondances.
Plus concrètement, l’exposition, installée au sein de la galerie de l’établissement, rassemble près de 70 photos. « Les œuvres viennent de deux endroits : de la Maison Pierre Loti, à Rochefort et de ses descendants » indique Anne Baradel.
L’exposition présente un aspect pédagogique indéniable. Un jeu, inspiré du « Time’s up», a été créé spécialement pour l’occasion. Il s’agit pour les élèves de faire deviner aux autres quelle photo ils sont en train de regarder, à l’aide d’indices. « Quand on fait une exposition dans un lycée, c’est important que les élèves puissent en profiter. Ce jeu va les inciter à regarder les photos, à voir des choses qu’ils n’avaient pas vues. Ça leur fait aussi travailler le français et la description d’image » explique Anne Baradel.
L’exposition invite les visiteurs à découvrir Istanbul avec l’œil de Pierre Loti.
Clémence Guerrier