Les olives Kürşat, une entreprise familiale qui place la qualité au cœur de ses ambitions

La petite ville d’Ayvalık, située sur la côte ouest de la Turquie, est connue pour sa production d’olives. (un article de Hannah Berthomé)

Par Aujourd’hui la Turquie
Publié en Avril 2024

Les oliviers y sont abondants et permettent de produire la meilleure huile d’olive du pays. Kürşat est l’une de ces entreprises locales qui se démarque par un savoir-faire familial et des méthodes de travail de plus en plus écologiques. La famille, originaire de Crête, est arrivée en Turquie au XXe siècle. C’est à présent la quatrième génération qui perpétue la passion de l’olive, dont Zeynep Kürşat, une ingénieure agricole qui vit entre Istanbul et Ayvalık. Pour Aujourd’hui La Turquie, elle se confie sur la situation actuelle et les ambitions futures de l’entreprise.

Quelle a été l’évolution de Kürşat lors de ces dernières années ? Votre production a-t-elle opéré des changements significatifs, donné naissance à de nouveaux produits… ?

On essaye toujours d’améliorer les qualités nutritives de nos produits. Cela relève de la partie technique de la production. Qu’il s’agisse de la récolte verte ou de la récolte noire, l’objectif reste toujours d’améliorer la qualité. En plus de cela, cette année, nous avons voulu créer un nouveau produit pour le Centenaire de la République de Turquie. Nous en sommes très contents, nous lui avons consacré l’une des meilleures parties de notre production. Par ailleurs, nous avions, il y a quelques années, une gamme de sauces. Nous avions arrêté cette gamme car ce n’était plus notre priorité, mais nous sommes actuellement en train de travailler pour les produire à nouveau. Il s’agit par exemple de sauces tomates à base de notre huile d’olive.

Vous sentez-vous impactés par la situation économique ? L’huile d’olive fait partie des produits qui subissent l’inflation de manière importante, comment faites-vous pour maintenir un prix abordable avec une telle qualité ?

C’est en effet très dur depuis deux années. Tous nos facteurs de production sont touchés par l’inflation, l’essence notamment. Les agriculteurs en ont beaucoup besoin, mais il faut bouger avec intelligence. On essaye de garder des prix bas, mais on les augmente lorsque l’on ne peut plus supporter les coûts de l’inflation. Bien sûr, nos prix ont augmenté depuis l’année dernière. Cela est dû à l’inflation, mais également à une diminution de la récolte. Notre récolte de cette année a diminué de 50 % par rapport à l’année dernière à cause des conditions climatiques.

La Turquie a récemment fait face à de nombreuses critiques vis-à-vis de l’utilisation des pesticides. Quelle est votre conception des choses ?

Nous souhaitons tendre vers une neutralité carbone à tous les niveaux de la production. Les produits que nous mettons dans les oliviers doivent également être adaptés et réfléchis. La production d’huile d’olive reste cependant relativement propre de manière générale. L’énergie dépensée pour la produire est faible et en vaut la peine.

Vous sentez-vous donc impactés dans votre production par des troubles liés au changement climatique ?

Oui, bien sûr, depuis des années. Il faut que les oliviers hibernent avant le printemps, et pour cela, que les températures soient très faibles. S’il neige, c’est parfait pour la nutrition du sol. L’hiver dernier a été trop court. Lorsque les oliviers ne peuvent pas assez dormir, ils ne fleurissent pas correctement au printemps. Par ailleurs, l’été dure plus longtemps. En septembre et en octobre, c’est toujours l’été. Notre production diminue à cause de ces problèmes. Les pluies d’automne sont très importantes pour la pousse des olives. S’il ne pleut pas, les fruits deviennent secs, petits, fripés, et ne peuvent pas se développer.

Vous venez d’inaugurer votre musée à Ayvalık. Que pourra découvrir le visiteur ?

Il est possible de voir l’évolution de tous les équipements et machines qui ont servi à la production de l’entreprise au fil des années, qu’il s’agisse de la production, de la cultivation ou encore des méthodes de conservation. Il y a par exemple les immenses pots qui permettaient de stocker les olives à l’époque. Cela permet donc de comprendre l’évolution de techniques de production.

La qualité a toujours été importante dans la famille, mais à l’époque, ils avaient un certain manque de connaissances scientifiques (concernant l’aspect nutritif, par exemple). Les savoirs scientifiques ont participé à l’amélioration de la qualité. Les machines aussi ont changé : par exemple, une fois que l’olive est écrasée, elle ne doit pas être au contact de l’air ou de l’eau. Cela oxyderait les olives qui perdraient du goût et des valeurs nutritives. Le système a donc changé afin qu’il soit fermé. Toute cette évolution est expliquée au musée.

Comment décririez-vous votre clientèle, à Ayvalık et à Istanbul ?

Nous avons voulu que les clients qui viennent dans notre boutique à Istanbul se sentent à Ayvalık. Tous nos produits sont disponibles, avec la même qualité et dans les mêmes conditions d’achat. Les prix sont les mêmes. Nos clients sont fidèles, nous entretenons de longues relations avec eux depuis de nombreuses années. Ce sont des gens qui aiment se nourrir avec des produits de qualité.

Comment vous démarquez-vous des autres entreprises productrices d’olives dans la région ?

C’est très commun parmi les agriculteurs de constituer des entreprises familiales. Mais nous essayons de garder nos valeurs et nos traditions, afin que nos oliviers soient toujours dans de bonnes conditions et en bonne santé. C’est pour cela que la biodiversité est très importante.

Nous avons de nombreux projets pour préserver l’environnement, qu’il s’agisse des plantes, des animaux ou bien de la terre. Nous avons une ligne de production biologique par exemple, que nous souhaitons augmenter. Nous n’utilisons que des substances organiques pour cette production. Il faut continuer à trouver des solutions, comme par exemple pour garder l’eau dans la terre.

Qu’est-ce que cette nouvelle récolte apporte de nouveau ?

La récolte dépend de l’année et du climat, mais pas seulement. Nous avons encore des choses à faire dans la production. Nous procédons à des ajustements au niveau des machines (par exemple, pour laisser les olives plus longtemps à l’intérieur). Malgré les complications de cette année et des conditions défavorables, je trouve que cette récolte est très bonne. Cela a été possible avec beaucoup de travail à l’usine.

Comment en êtes-vous venus à collaborer avec le chef Claudio Chinali ?

Cela fait dix ans que l’on se connait. Le restaurant Eataly a été créé quelques mois après notre rencontre. Il nous a contactés pour nous demander si l’on pouvait lui fournir nos olives. Notre relation a perduré au cours des années, nous avons créé une amitié et une relation de confiance. L’état d’esprit de Claudio Chinali correspond à nos valeurs, il cherche avant tout la qualité.

Propos recueillis par Hannah Berthomé