Proche-Orient : « L’attitude occidentale soutient l’agression israélienne »

Déplacement massif de la population (1,9 million de personnes), convocation de l’État d’Israël à la Cour internationale de justice et nouvelle grande offensive à Rafah : la guerre ravage Gaza depuis plus de 120 jours. (un article de Clara Marque)​​

Par Aujourd’hui la Turquie
Publié en Juin 2024

Haydar Çakmak, professeur de politique à l’Université Gazi à Ankara, répond aux questions d’Aujourd’hui la Turquie.

Avec la récente affaire qui bouscule l’UNRWA, l’agence de l’ONU qui devrait cesser ses activités à la fin du mois, dans un contexte de famine grandissante et de contamination des sols, de l’eau et de l’air, se dirige-t-on vers la plus grave crise humanitaire du siècle ?

Des pays anglo-saxons tels que les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, ont suspendu leur aide à l'UNRWA, un programme de l’ONU créé en 1949 pour soutenir les réfugiés palestiniens dont les droits ont été usurpés à la création de l’État d’Israël. Cette attitude occidentale soutient l’agression israélienne. Les États-Unis et Israël doivent trouver un autre moyen de punir le Hamas, car couper l’aide pour voir cesser les activités de cette organisation revient à punir la population civile.

Qui, selon vous, gagne la bataille de l’opinion publique internationale à l’heure actuelle ? Que pensez-vous de l’opinion occidentale sur la question de Gaza ?

Le lobby israélien, réputé pour influencer facilement les journalistes et les politiciens, peine semble-t-il à influencer les grandes masses. L’opinion publique internationale semble moins induite en erreur que les années précédentes, puisque les gens ont accès à plusieurs sources d’informations. Avec les possibilités offertes par la technologie, ils peuvent recueillir des témoignages multiples grâce aux réseaux sociaux. Dès lors, l'opinion publique mondiale, en ce compris les pays occidentaux, s’est majoritairement placée du côté du peuple palestinien, innocent et victime. L’action devant la Cour internationale de justice de la part de l’Afrique du Sud en est un exemple : cette plainte a été accueillie par la population sudafricaine et la communauté internationale.

Connaît-on actuellement une guerre régionale au Moyen-Orient ? Comment qualifier les politiques étrangères des États engagés dans la guerre ? Et certaines d’entre elles pourraient-elles faire basculer le cours des évènements ?

Pour l’instant, les États-Unis et la Grande-Bretagne tentent d’éviter la guerre générale dans la région, qui serait inopportune pour ces puissances. En effet, il semble peu probable qu’elles déclarent la guerre à l’Iran, pour les raisons suivantes : du point de vue des pays impérialistes, un Iran impuissant crée un vide dans l’équilibre du Moyen-Orient. Il ne serait pas possible d’équilibrer l’Arabie Saoudite et l’Égypte, qui ont un rôle à jouer dans la vente et la possession d’armes, avec une menace iranienne. Même s’ils se présentent comme alliés, les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël utilisent l’Iran contre la Turquie et l’Azerbaïdjan et, de ce point de vue, n’ont pas intérêt à mener une politique destructrice contre l’Iran. Ces pays savent aussi que la Chine et la Russie apporteront indirectement une aide à la guerre iranienne, ce qui transformerait la situation géopolitique en guerre majeure, longue, mondiale, et épuisante. Ouvrir une guerre avec l’Iran signifie ouvrir une porte à la Chine et la Russie. Ils ne veulent pas entrer dans une guerre qu’ils ne peuvent pas gagner.

Clara Marque