La Zone d'intérêt

La Zone d'intérêt, film réalisé par le cinéaste britannique Jonathan Glazer et adapté du roman de 2014 du même nom de Martin Amis, a commencé son parcours en remportant le Grand Prix du Festival de Cannes. (un article de Irem Sera Böke)

Par Aujourd’hui la Turquie
Publié en Juin 2024

Le film a ensuite obtenu cinq nominations aux Oscars et a été récompensé dans les catégories meilleur film international et meilleur son.

La Zone d'intérêt se concentre sur la vie quotidienne de la famille nazie de Rudolf Höss, de sa femme Hedwig et de leurs enfants qui vivent à côté du camp de concentration d'Auschwitz, offrant un contraste fascinant avec les horreurs de l'Holocauste à travers des détails ordinaires, des scènes idylliques et de longs plans séquences.

Ce film est en effet très différent des films habituels sur l'holocauste. Nous voyons les murs du camp, mais l'intérieur du camp n'est jamais montré. Nous observons comment une famille nazie normalise cette situation, en ayant fondé leur foyer dans cet endroit, y menant une vie luxueuse avec domestiques et piscine, célébrant les anniversaires, plantant de belles fleurs et des légumes dans leur jardin, en étant très satisfaits de cette vie. En arrière-plan, cris de douleur et coups de feu ; mais la famille nazie y est indifférente. En d'autres termes, le film est basé sur ce que l'on entend, et non sur ce que l'on voit. Il faut ici saluer le travail de la compositrice Mica Levi, qui contribue à mettre en place cet univers cinématographique particulier.

Un seul personnage se rend compte de l'absurdité de cette indifférence : Mme Hensel, la mère de Hedwig. Au début, nous voyons une figure maternelle qui est fière de la vie que sa fille a construite. Alors que Hedwig lui fait visiter la maison, Mme Hensel lui montre les murs et demande : « Ce sont les murs du camp ? » Hedwig répond calmement : « Oui, nous avons planté plus de vignes à l'arrière pour les couvrir. » Mais alors que Mme Hensel passe de plus en plus de temps dans la maison de sa fille, elle entend les horreurs du camp, voit la fumée grise s'échapper des cheminées du crématorium et, une nuit, quitte brusquement les lieux.

Dans La Zone d'intérêt, il n'y a pas de héros, il y a des antihéros. Hedwig est si heureuse sa vie à côté du camp que lorsqu'elle apprend que son mari va être transféré, elle refuse de déménager avec lui. Un jour où Rudolf Höss joue dans la rivière avec ses enfants, il tombe sur un os humain ; il se précipite chez lui et donne un bain à ses enfants. Dans une autre scène, l'un des enfants du couple examine sa collection de dents en or à l'aide d'une lampe de poche. Malgré la stagnation de la narration du film, on peut dire que ce film est réussi car on peut ressentir la brutalité de l'Holocauste sans la porter à l'écran.

Les performances exceptionnelles de Sandra Hüller et de Christian Friedel rendent les personnages principaux réalistes. Du plaisir coupable de Hedwig qui porte le manteau en fourrure de l'une des victimes, au sang-froid du Rudolf de Friedel dans la bureaucratie nazie, chaque détail est rendu de manière impressionnante. C'était un plaisir de retrouver Sandra Hüller qui est par ailleurs un des personnages principaux d'un autre film qui a marqué l'année.

Ce film nous permet en outre de l'entendre parler dans sa langue maternelle, l'allemand, au lieu du français et de l'anglais d’Anatomie d'une Chute.

En général, le film utilise efficacement la lumière naturelle. Cependant, l'un des principaux facteurs de contraste du film est constitué par les scènes en noir et blanc filmées à l'aide d'une caméra thermique. Dans ces scènes, on voit une jeune fille polonaise qui laisse des pommes près du camp pendant la nuit. Les scènes filmées avec des caméras thermiques ont été améliorées en qualité avec l'aide de l'intelligence artificielle pendant le processus de montage.

La Zone d'intérêt se termine en montrant des scènes se déroulant dans le Musée d'État d'Auschwitz-Birkenau aujourd'hui. Ses collections illustrent les drames de l'Holocauste, la déshumanisation, tout ce qui n'est pas montré tout au long du film, et rend hommage aux victimes. En conclusion, ce film, qui aborde l'Holocauste d'une manière inhabituelle, nous invite à une expérience intellectuelle marquante.

İrem Sera Böke