Kubat : « Je paierai ma dette de fidélité »

Ramazan Kubat, connu sous le nom de Kubat, est un chanteur et compositeur folklorique belgo-turc qui se distingue par son style particulier et ses instrumentations venus d’Anatolie. Il nous raconte son histoire qui a démarré à Anvers, où il a gardé ses relations.Toute sa famille vit toujours en Belgique.

Par Aujourd’hui la Turquie
Publié en Juin 2024

« Mon grand-père et mon père étaient parmi les premiers à partir en Belgique. C’étaient des agriculteurs prospères, mais ils y sont allés par curiosité, un peu pour voir ce qu'il y avait là-bas. À l'époque, les conditions étaient différentes : ils ont été accueillis en fanfare, et ils ont été très heureux de cet accueil.

Nous sommes originaires du village d'Afyon Emirdağ Karacalar, et c'est mon oncle Kötü Ahmet qui le premier est parti en Belgique. Diplômé du lycée, il avait d'abord travaillé à Istanbul avant d'aller en Belgique, et c'est grâce à lui que tous les habitants d'Emirdağ ont émigré là-bas. S’il y a 250 000 Turcs en Belgique, 150 à 160 000 d’entre eux sont originaires d’Emirdağ.

C’est mon professeur, M. Muzing, qui m'a découvert alors que j'étais au collège. J'emmenais mon saz et ma darbouka à l'école. À la demande de mon professeur et avec le soutien de mon père, j'ai commencé à chanter en soliste dans la chorale de l'église. Cela a duré environ deux ans. Si mon père ne m'avait pas encouragé, et sans son ouverture d'esprit, je n'aurais certainement pas progressé et je ne serais devenu ce que je suis aujourd'hui. Il m'a encouragé et m'a dit que l'église était aussi la maison de Dieu.

Ma mère, mon frère, toute ma famille est en Belgique. Quand j'avais dix ans, j'avais peine à comprendre ce que disaient ma mère et mon père. Mes parents essayaient de m’aider, mais il y avait un réel problème de langue, alors je me suis contenté d’essayer de les comprendre sans m'attendre à ce qu'ils me comprennent. Ma vie est ainsi devenue plus facile.

La tradition de barde a été une grande opportunité pour moi. C'est grâce à ce don d'ailleurs que je n'ai pas vécu les problèmes d'intégration des autres immigrés. J'ai connu le microphone quand j'avais huit ans, j'étais le chanteur le plus sollicité pour les mariages. J'ai ainsi pu contourner les problèmes d'intégration. J'adore la musique classique, j'ai certainement été influencé par les cantiques de l'église. C'est aussi cette expérience qui m'a donné l'envie de travailler en alliant la musique turque et la musique symphonique. Je veux combiner la cura à trois cordes et le saz monophoniques avec la musique polyphonique.

Il n’y avait personne à l'époque pour m’aider dans la planification de ma carrière. Alors j'ai fait un voyage de dix jours à Istanbul. Les six premiers jours, j'ai détesté la ville, mais au cours des quatre derniers jours, grâce aux rencontres que j'ai faites et la découverte du Bosphore, je suis tombé amoureux de cette ville. C'est à ce moment-là que j’ai voulu poursuivre ma carrière à Istanbul. Nous avons en Turquie de très grands poètes, et j'ai voulu suivre leur exemple.

Bien que je sois installé en Turquie depuis l'âge de 20 ans, je ne peux effacer la Belgique de ma vie car c’est là que j'ai grandi. Alors j'y vais régulièrement, et à chaque fois je ne peux m'empêcher d'aller au Nagtegalenpark, à Anvers. Car j’y ai passé toute mon enfance, et plus important encore, j'y ai fait des études notamment musicales qui ont fait de moi l'artiste que je suis devenu. Je suis allé à l'académie de musique quand j'avais neuf ans, et je joue de la guitare classique à dix doigts.

Mon amour pour les chansons folkloriques turques a commencé à l'âge de 20 ans lorsque j'ai découvert trois grands artistes : Barış Manço, Cem Karaca et Edip Akbayram, grâce à une cassette. En arrivant en Turquie, j’ai voulu suivre les traces de bardes, « ozans » célèbres tels que Musa Eroğlu et Arif Sağ. Mon père était lui aussi un ozan. J'ai donné mon premier concert symphonique au Lütfi Kırdar à l'âge de 27 ans. À ma retraite, je paierai ma dette de fidélité en devenant ambassadeur culturel. Mon premier album est sorti en 1996. J'ai réalisé jusqu'à présent 11 albums et un long play Bay Music. Je ne reçois aucun soutien du gouvernement. Le jour de mon 40e anniversaire, le 4 octobre 2014, j'ai épousé ma femme, journaliste de profession, à Bruges, la ville la plus romantique du monde. »