Paul Auster nous a quittés

Le grand auteur américain Paul Auster est décédé le 30 avril dernier à Brooklyn à l’âge de 77 ans. Il nous laisse une trentaine de romans, essais, trilogies, autobiographies et autres productions. (un article de Gabrielle Mahias)

Par Aujourd’hui la Turquie
Publié en Juin 2024

Connu pour son style d’écriture supposément hasardeux, le New-Yorkais était issu d’une famille juive venue d’Europe centrale ayant immigré aux États-Unis. Il trouve sa voie dans la littérature pendant son adolescence. Auster raconte en effet au Monde en 2018 qu’à l’âge de 14 ans, un événement particulier avait changé sa vie et sa façon de voir les choses. Lors d’une marche, le randonneur qui le précédait avait été frappé par la foudre, et était mort sur le coup. Il sut alors, dit-il, que « l’imprévisible était la loi » et que « tout pouvait arriver à tout moment ». Sa touche d’écriture était trouvée. De même, au festival « Le Goût des Autres » au Havre en 2018, il déclare qu’un an après ce drame hors du commun « j’ai découvert Crime et Châtiment de Dostoïevski. Ce livre m'a totalement transformé au point que je me suis dit : si écrire un livre peut apporter une telle émotion, alors, c’est ce que je veux faire. »

Paul Auster étudie ensuite à la très réputée université de Columbia, où il se penche sur les littératures française, italienne et anglaise. Et dans les premières années de sa carrière, l’auteur aux multiples récompenses littéraires travaille en tant que traducteur d’auteurs français tels que Jean-Paul Sartre, Stéphane Mallarmé, Guillaume Apollinaire ou Jacques Dupin. Il commence aussi la rédaction de certains de ses romans, comme Moon Palace (1990). Mais en 1979, de tristes évènements surviennent. Les difficultés économiques se sont accumulées depuis des années, il divorce d’avec sa première femme Lydia Davis, et son père Samuel Auster, qu’il voyait rarement, meurt à 66 ans seulement. Ce dernier élément l’amène à se questionner sur les rapports père-fils, et il écrit L’invention de la solitude en 1982. Ce livre libère Paul Auster dans sa vie et dans son écriture. Il est pour de bon sur la scène littéraire américaine.

Dans les années 1980, il rencontre sa deuxième épouse et enchaîne les publications : Fausse balle en 1982, qu’il a signée Paul Benjamin, Art de la faim en 1982, Effigies murales en 1987. Cependant, c’est sa trilogie new yorkaise qui consacre sa popularité auprès du public et de la critique, avec Cité de verre en 1985, Revenants en 1986, et La chambre dérobée la même année. Son style s’affirme encore plus avec une certaine projection entre l’auteur et ses personnages : dans le dernier volet de la trilogie, un des personnages s’appelle Paul Auster. Cette personnification littéraire intervient aussi dans Léviathan en 1992 où un personnage est Peter Aaron. L’écrivain remporte le Prix Médicis étranger avec cette dernière œuvre.

Attiré depuis des années par le cinéma, Paul Auster ne réalise pas moins de 7 films dans les années 1990 et 2000. Lors de son premier voyage en Europe dans les années 1960, il n’avait pas osé étudier la cinématographie à l’IDHEC à Paris, quand bien même il en rêvait. Il avait néanmoins créé des films muets, sans succès. Mais en vrai passionné du neuvième art, l’élan de la littérature lui permet alors de prendre une revanche sur sa timidité d’autrefois. Cette période cinématographique n’empêche pas l’auteur d’écrire des textes appréciés de la critique, comme Une vie dans les mots : Conversations avec I. B. Siegumfeldt en 2021 ou Chronique d’hiver en 2013. C’est d’ailleurs dans les années 2000 qu’il remporte le plus de prix : le Prix Odyssée en 2002, le Grand prix Metropolis bleu en 2004, et devient Docteur Honoris causa de l’université de Liège en 2007…

Puis les années 2010 sont une période de retour à la tradition américaine. En 2017, le monumental roman 4 3 2 1 propose quatre chemins différents que le personnage Ferguson peut emprunter. Ce livre de mille pages environ est un immense projet pour Paul Auster. Ne sortant plus, ne voyageant plus pendant des années pour l’écrire, il commence ce chef-d’œuvre à l’âge de 66 ans, soit l’âge auquel son père Samuel était décédé. À la sortie de ce livre en France en 2018, il déclare : « Vivre plus longtemps que lui me donne l'impression d'une transgression ».

Après des décennies de succès, ces trois dernières années furent très difficiles pour Paul Auster. Son fils, le photographe Daniel Auster, meurt d’overdose à l’héroïne à l’âge de 44 ans, après avoir été inculpé d’homicide involontaire suite au décès de sa fille Ruby, âgée de dix mois, victime d’une intoxication à l’héroïne combinée à du fentanyl. Et en 2023, l’épouse de Paul Auster annonce que son mari est atteint d’un cancer des poumons…

Paul Auster est mort le 30 avril dernier, à New York, la ville de sa vie, qu’il aura su porter comme décor incontournable de ses romans aux innombrables moments hasardeux.

Gabrielle Mahias.