Un génie du tango : Astor Piazzolla (Un article de Gabrielle Mahias)

Astor Piazzolla, bandonéoniste fils d’immigrés italiens, a révolutionné le monde du tango argentin pour devenir un compositeur majeur de cette musique, une légende du tango au XXe siècle.

Par Aujourd'hui la Turquie
Publié en Octobre 2024

Astor Piazzolla naît le 11 mars 1921 dans la région de Buenos Aires, de parents d’origine italienne. Trois ans plus tard, sa famille part pour New York, là où tout commence. Son père, Vicente, passionné de musique, lui offre un bandonéon quand il a neuf ans. Attiré par le jazz au début de son aventure musicale, le jeune Astor, fasciné par son voisin pianiste, Bela Wilda, ancien élève de Sergei Rachmaninov, joue pourtant du Jean-Sébastien Bach sur son bandonéon. Puis, toujours à New York, il fait la rencontre de Carlos Gardel, célèbre musicien de tango, qui le remarque. Vicente refuse que son fils parte avec Gardel en Amérique du Sud pour une tournée, mais en 1936, la famille Piazzolla est de retour en Argentine.

Astor découvre une nouvelle façon de jouer du tango lors d’un concert du violoniste Elvino Vardaro, loin de la tradition, ce qui le pousse à former son premier ensemble musical dénommé le Cuarteto Azul. L’année suivante, Astor s’éloigne encore plus du tango traditionnel quand, après avoir rejoint l’orchestre d’Anibal Troilo, il fait des arrangements pour cette formation. Anibal Troilo lui suggère cependant de ne pas modifier le style traditionnel, choix politique du président Juan Perón dans une optique nationaliste et de mise à distance des influences étrangères. Piazzolla estime quant à lui que la tradition ne permet pas assez de danser. Il sent qu’il doit s’échapper de ce style traditionnel où il ne se retrouve pas. Ce qu’il veut faire, c’est composer en toute liberté.

Dans ce but, en 1941, Piazzolla change encore son environnement de travail et évolue avec Alberto Ginastera pour étudier la composition. Après quelques années d’études, il s’émancipe définitivement d’Anibal Troilo et lance son premier orchestre, l'Orquesta Típica, où il est davantage libéré. Tellement libre que sa musique apparaît comme véritablement révolutionnaire : il y a de la dissonance, des contrepoints… Piazzolla commence à faire parler de lui. Remportant le concours Fabien Sevitzky avec sa Sinfonía Buenos Aires en 1953, il est très critiqué pour sa musique. Il ose intégrer un bandonéon, instrument populaire, dans un orchestre symphonique. Peu importe, il a désormais les ressources pour se rendre à Paris auprès de l’illustre Nadia Boulanger. Cette dernière lui affirme qu’il a un style novateur de tango pour faire danser, et que c’est ce style qu’il doit travailler. Sur ses conseils, Piazzolla sait maintenant qu’il peut associer tango et musique plus savante, et il sait que c’est sa musique.

Quand il rentre dans son pays natal en 1955, le coup d’État militaire a bouleversé la société. Le tango traditionnel y a moins sa place, laissant à Piazzolla l’opportunité de développer son style de « tango nuevo ». Et c’est plus précisément avec l’Octeto Buenos Aires qu’il se fait connaître mondialement. Cet orchestre, formé de prodigieux musiciens comme José Bragato et Mario Francini, est résolument moderne : il compte même une guitare électrique (Horacio Malvicino). Cette modernité irrite tant que Piazzolla échappe de peu à la vindicte du public…

À partir des années 1960, il enchaîne les projets, et compose des œuvres très jouées par la suite, telles que Buenos Aires Hora Cero et Adiós Nonino. Mais c’est en Europe que sa créativité s’opère réellement, et où il signe son très fameux Libertango, ou le tango libéré, soit la meilleure façon de décrire le style qui lui est propre. Dans les années 1980, il écrit notamment la suite La Camorra, Milonga Loca et Tanguedia, parmi ses œuvres les plus fameuses.

Malheureusement, la fin des années 1980 et le début des années 1990 voient la santé de Piazzolla se détériorer fortement. Il meurt en 1992 à Buenos Aires, après avoir révolutionné le tango au cœur du XXe siècle.