Après avoir réduit Gaza en ruines, les folies expansionnistes de Netanyahu ne pouvaient en rester là. Le 17 septembre, l’élargissement du front au Sud-Liban est décidé : des bombardements d’une extrême intensité ravagent depuis ce jour le pays du Cèdre, causant des milliers de victimes.
Pour justifier ses exactions, Tsahal emploie un narratif similaire à celui utilisé pour légitimer sa guerre contre le Hamas : il faudrait « libérer » le Liban de l’emprise supposée du Hezbollah. Un récit qui interroge la véritable place qu’il occupe au Liban. Surnommé « l’État dans l’État », ce parti chiite participe au gouvernement et mobilise massivement, s’ancrant dans le paysage politique. En outre, face à une armée conventionnelle presque insignifiante, le Hezbollah a rapidement acquis le statut de force légitime de dissuasion face à Israël, s’attirant ainsi un relatif soutien populaire. Le 27 septembre, les bombardements entraînent la mort de Hassan Nasrallah, alors secrétaire général du Hezbollah, figure de l’islamisme dans la région et de l’opposition aux velléités expansionnistes d’Israël. Nasrallah, soutien du Hamas dès octobre 2023, avait depuis accepté un cessez-le-feu avec l’État hébreu, conscient que le Hezbollah n’avait aucun intérêt à s’engager dans une guerre totale. Cette élimination conforte le narratif promu par l’exécutif israélien, mais ses retombées concrètes restent floues.
Hassan Nasrallah était un leader emblématique. Ayant fait toute sa carrière au sein du parti, sa trajectoire personnelle a été marquée par de grands événements : la libération du Sud-Liban en 2000, la guerre de 2006 et surtout la mort de son fils aîné sur le champ de bataille en 1992, qui lui ont conféré une aura qui résonne au-delà des structures du parti. Erminia Chiara Calabrese, autrice de Militer au Hezbollah, parle d’un « symbole de la résistance au Liban et au Moyen-Orient ». Si sa mort est évidemment vécue comme une rupture, la structure si particulière du Hezbollah tend à relativiser le caractère décisif de sa perte. Le parti n’est pas construit autour d’un chef, mais plutôt autour d’un conseil exécutif regroupant plusieurs leaders politiques ou militaires. Les partisans témoignent davantage d’un attachement à une idéologie qu’à un leader. D’autant plus que, comme le déclare Erminia Chiara Calabrese, le Hezbollah est avant tout le fait de la population civile : il se construit par le bas. On ne peut pas penser éradiquer le Hezbollah en tuant son commandement, une nouvelle génération prendra rapidement la relève. En 1992 par exemple, beaucoup pensaient que la mort d’Abbas al-Moussawi, ancien secrétaire général du Hezbollah assassiné par les forces sionistes, sonnerait le glas du Hezbollah. Or très rapidement, Nasrallah a endossé ce rôle avec brio. Erminia Chiara Calabrese l’affirme : il faut arrêter toute propagande fondée sur une hypothétique éradication du Hezbollah, des gens mourront et d’autres reprendront la lutte.
Ainsi, qualifier l’assassinat de Nasrallah de victoire stratégique cruciale pour l’effort de guerre israélien revient à reprendre les codes propagandistes de son narratif. Sa perte n’aura aucun impact sur les activités militaires du Hezbollah, si ce n’est de galvaniser les troupes autour d’un nouveau martyr. Si l’intérêt n’est donc pas stratégique, il est bien symbolique. En effet, Netanyahu, mis en cause par ses soutiens les plus fidèles, a besoin d’une « guerre longue » pour se maintenir au pouvoir. Alors que la guerre s’enlise à Gaza et que l’incapacité du Premier ministre israélien à ramener les otages sains et saufs devient évidente, ce type de « victoire » travaille l’opinion publique en son sens. L’engagement continu d’Israël sur le sol libanais après la mort de Nasrallah illustre parfaitement cette logique de guerre longue envisagée par les forces sionistes.