Le 6 novembre, les résultats des élections américaines tombent : Harris s’effondre, Trump triomphe. Erdoğan ne tarde pas à féliciter « [son] ami », espérant que « les relations entre la Turquie et les États-Unis seront renforcées ».
Son entourage, soulagé, estime que leurs liens historiques offrent à Erdoğan un espace privilégié pour défendre ses intérêts. Un climat de méfiance persiste tout de même au sein de l’AKP et parmi les bureaucrates influents des ministères turcs. Malgré un dialogue courtois, quelles avancées concrètes ont été réalisées ? Ils reprochent au très excentrique président américain sa tendance à faire des promesses spectaculaires, sans jamais les concrétiser par des accords tangibles.
Les relations entre la Turquie et les États-Unis sont essentielles à la sécurité régionale et influencent la politique étrangère turque, notamment envers l'Ukraine et la question kurde. Le Prof Mesut Caşın, conseiller stratégique du président Erdoğan, estime que le nouveau mandat de Trump pourrait ouvrir « de nouvelles fenêtres [...] entre l’OTAN et la Russie ». Grâce à ses liens étroits tant avec Zelensky qu’avec Poutine, Erdoğan cherche à jouer un rôle central dans la résolution du conflit ukrainien, en accueillant d’éventuelles négociations, par exemple. Selon Caşın, Trump, qui avait fait de la fin de la guerre en Ukraine une promesse de campagne, pourrait s’aligner sur la volonté d’Erdoğan de mettre fin au conflit, consolidant ainsi sa position de médiateur clé. Mais cette dynamique ne se limite pas à l'Ukraine. L’administration Trump se distingue aussi par le retrait des forces américaines de plusieurs zones de conflit, notamment en Syrie, où la question kurde reste un point de friction majeur. Son élection pourrait marquer la fin du soutien américain aux forces kurdes du YPG, qui combattent l'État islamique. Ankara accuse en effet ces forces de soutenir le PKK, organisation kurde, reconnue comme terroriste, en lutte contre le gouvernement turc dans le Sud-Est du pays.
Toutefois, la question palestinienne demeure un point de discorde central entre les deux puissances. Trump se positionne en fervent soutien de l’État hébreu : il a déplacé l’ambassade américaine à Jérusalem, reconnu l’annexion du plateau du Golan et, surtout, a exhorté Israël à « finir le travail » à Gaza, tout en déplorant que « Biden tente de retenir [Benjamin Netanyahu] ». Aydın Selcen, spécialiste de la politique étrangère turque, estime que, malgré le pragmatisme de Trump et d’Erdoğan, capables de mettre de côté leurs principes pour parvenir à un accord, la situation en Palestine constitue une menace pour leur relation. Murat Aslan, de la fondation SETA, basée à Ankara, met en garde : la Turquie peut-elle vraiment compter sur lui ? Si les relations entre la Turquie et Israël se détériorent davantage, quelles en seront les conséquences ? Il est évident que Trump ne se rangera pas du côté de la Turquie. Chaque opportunité comporte son lot de risques ; reste à savoir si la prudence sera de mise.