Des dialogues, rien que des dialogues… Un style tout particulier quasi-théâtral incluant un langage familier mêlé d'argot s’annonce dès le début de ce court roman policier The Thin Man, İnce Adam en turc, L’Introuvable en français.
Un ancien détective privé, qui était censé passer quelques jours paisibles à New York avec sa femme, se trouve obligé de mener une enquête sur la disparition d’un homme riche excentrique. « Pourquoi tout le monde est-il à la recherche d’un inventeur aussi fou que génial ? » Guidé par cette simple question, on suit l’enquête avec enthousiasme. Les scènes se suivent, les lignes deviennent vite des images.
L’auteur de ce court policier situé dans un milieu distingué n’est autre que Dashiell Hammett. C’est l’homme qui a révolutionné la fiction policière américaine qui imitait jusque-là les exemples britanniques du genre. Né en 1894 à Maryland, Hammett travaille dur dès son très jeune âge comme vendeur de journaux, caissier et porteur, et il passe huit ans comme détective privé. À partir de 1929, une nouvelle page s’ouvre pour lui : il commence à écrire des romans d'aventure et des policiers pour divers magazines. Il désidéalise ses héros et déplace les lieux des romans policiers des manoirs et des salons élégants vers les bars, les rues et les marécages. Il marque déjà le genre par sa signature.
La prohibition, la crise de 1929, la criminalité organisée, la dégénérescence dans la société… Tout y passe sous sa plume concise qui ne permet point de descriptions ou de commentaires superflus. Il maitrise à merveille l’art du dialogue, au point de réussir à créer toute une atmosphère visuelle avec seulement quelques mots de conversation.
Son œuvre la plus célèbre, Le Faucon maltais, est écrite en 1930 avant d'être adaptée au cinéma en 1941. L’année 30 est aussi celle où il rencontre la dramaturge Lillian Hellman, la femme de sa vie. On rappelle très souvent que c’est elle qui lui inspire Nora Charles, femme du détective Nick Charles de The Thin Man. Par la suite, il s’intéresse à la politique, se lance dans la défense des droits de l’homme et se porte volontaire pour la Seconde Guerre mondiale. Il est emprisonné pendant six mois en 1951 pour avoir refusé de divulguer les noms de ceux qui ont fait des dons au Congrès des droits civiques dont il est président. Il est interrogé par la Commission des activités anti-américaines dirigée par McCarthy et refuse de répondre à la question s'il a des liens avec le Parti communiste. Pendant cette chasse aux sorcières maccarthyste, il est constamment harcelé et ses ouvrages sont retirés des bibliothèques publiques. Il meurt à New York en 1961.
« Lu avec un intérêt très vif (et pourquoi ne pas le dire, avec admiration) » disait André Gide à son propos. Il était admiratif devant le style de Dashiell Hammett et il écrivait ces quelques mots élogieux dans son Journal, le 16 mars 1943, avant de conclure : « tout le récit est conduit avec une habileté et un cynisme implacables… » Gide avait raison. Gide a toujours raison.
« Pourquoi tout le monde est-il à la recherche d’un inventeur aussi fou que génial ? » demande la quatrième de couverture de son roman L'Introuvable chez Gallimard. Pourquoi ? Le sait-on ? Le saura-t-on ? Nous sommes actuellement très occupés à nous mettre doucement à la recherche d’une invention aussi folle que géniale : la démocratie.