C'est au lycée français Saint-Michel d’Istanbul que commence l'histoire de Muammer Yanmaz. Étudiant alors « introverti, [...] médiocre » mais « populaire », celui que ses camarades surnommaient Mumu Toto se distingue vite par son esprit d'initiative et son profil d’ « entrepreneur dans l’âme ».
Entre soirées et sessions de paris sportifs qu'il organise, il tombe un jour par hasard, chez un ami, sur une caméra – une rencontre qui le fascine. En 1985, à seulement 16 ans, il achète son premier appareil, un Zénith, pour 35 TL. Il se met alors à photographier amis et proches, créant des albums qu'il revend. Son esprit créatif et novateur attire l'attention du directeur de l'époque, qui lui confie les clés de la chambre noire du lycée. « C’est ainsi que les portes d’un tout nouveau monde se sont ouvertes pour moi », confie Muammer. Il se fait une promesse : il ne gagnera jamais sa vie « autrement qu'avec la photographie ». Quarante ans plus tard, il semble s'y être toujours tenu.
Après son baccalauréat, Muammer se tourne vers la faculté de communication. Dès le deuxième jour, il est nommé photographe de la faculté. Un an plus tard, il préside le club de photographie qu'il a lui-même fondé. En parallèle de ses études, il enchaîne les missions ponctuelles, naviguant entre la publicité et la presse. Ces expériences l'ont profondément marqué : de la publicité, il tire son goût pour le travail collectif et sa maîtrise des équipements sophistiqués ainsi que de la retouche ; de la presse, il a appris à capturer l'authenticité, à saisir l'instant dans toute sa vérité et à en révéler le récit. Il continue aussi de développer son art, se consacrant davantage à la photographie de rue et aux portraits. Dévoilant ses principales sources d’inspiration – allant d’Ara Güler à Robert Doisneau, en passant par Henri Cartier-Bresson – Muammer Yanmaz témoigne d’une sensibilité particulière pour « les histoires humaines », qu’il raconte de différentes manières. Il avoue une fascination pour les visages, les regards et surtout les émotions qu’ils transmettent, révélant une « curiosité sincère pour les autres ». Un aspect de sa personnalité qu’il a su mettre à profit dans son œuvre. La série Visages vécus, par exemple, met en avant ses amis de lycée, photographiés au même endroit, mais avec plusieurs années d’écart. Une série qui explore une autre notion chère à Muammer : celle du temps. Il le dit : pouvoir « figer l’instant [...] est magique ». Une idée qui résonne avec celle du « moment décisif » cher à Henri Cartier-Bresson. Le caractère unique et éphémère de chaque moment vécu, les traces qu'il laisse sur nos corps, semblent fasciner Muammer. Son projet en cours, 40 vies, où il suit dès leur naissance des enfants tous issus du même hôpital, immortalisant leurs singularités au fil de leur croissance, illustre parfaitement cet intérêt pour la temporalité.
En 1992, il devient archiviste à la Fondation d’Istanbul pour la Culture et les Arts. Pendant près de dix ans, il immortalise de nombreux artistes turcs, mais aussi internationaux, dans le cadre d'événements liés entre autres au théâtre, au cinéma et à la musique. De cette expérience, Muammer tire deux enseignements : d'une part, la photographie est un « puissant moyen de communication », « capable d'ouvrir de nombreuses portes » ; d'autre part, son goût pour le portrait est plus marqué que tout autre. Fort d'une « grande confiance en lui », Muammer Yanmaz ne s'arrête pas là. En 2004, il lance ce qui sera sans doute son plus grand projet : l'atelier 40 Haramiler (Les 40 Voleurs), où il enseigne la photographie. Se rappelant les « beaux moments passés au sein de son club universitaire », où il avait commencé à transmettre sa passion pour l'image, et regrettant d'avoir dû mettre cet aspect de côté pendant ses années de travail, il confie avoir toujours voulu « toucher la vie des gens » par la photographie. Et pour lui, l'enseignement y contribue. En 20 ans et près de 158 promotions, plus de 3000 étudiants ont fréquenté les bancs de l'atelier. Une première formation de huit semaines y est proposée, ainsi qu’un approfondissement de huit semaines encore. Pour lui, c'est un accomplissement, une occasion « de transmettre sa passion et son enthousiasme », avec l'espoir d'inspirer certains de ses élèves. Muammer nous livre quelques conseils pour se lancer en photographie : étudier les grands maîtres du genre, opter pour un objectif 50mm, et partager largement ses photos afin de les exposer à la critique, un moyen d’évoluer constamment.
Récemment, Muammer Yanmaz a été nommé ambassadeur Nikon en Turquie. Bien qu’il entretienne également des relations étroites avec d'autres marques, il avoue privilégier sa collaboration avec Nikon, qui conçoit ses appareils favoris. Pour lui, cette nouvelle collaboration représente un gage de confiance durable plutôt qu’un simple accomplissement personnel.
Muammer continue d’entreprendre, explorant même de nouveaux horizons comme la cinématographie amateur, domaine qu’il affectionne particulièrement.