Le MFINUE : un laboratoire de la francophonie et de la diplomatie au lycée Saint-Joseph d’Istanbul (Un article de Jules Pissembon)

​Du 6 au 8 décembre, le lycée Saint-Joseph d’Istanbul a accueilli la 14ᵉ édition du Modèle Francophone International des Nations Unies en Eurasie (MFINUE), placée sous le thème ambitieux : « Dépasser les divisions et forger la paix à l’ère numérique ». La cérémonie d’ouverture, empreinte de solennité et de prestige, évoquait un véritable sommet diplomatique. Les interventions de Mme Isabelle Dumont, ambassadrice de France en Turquie, de Mme Nadia Fa

Par Aujourd'hui la Turquie
Publié en Janvier 2025

Pendant trois jours, près de 420 élèves, issus de 24 établissements internationaux répartis dans 11 pays, ont débattu avec passion sur des thématiques variées, allant du désarmement à la santé en passant par les efforts de décolonisation. Le MFINUE constitue un véritable tour de force logistique, rendu possible grâce à neuf mois de préparation intense menés par le personnel du lycée Saint-Joseph, en étroite collaboration avec plus d’une centaine d’élèves mobilisés en tant que volontaires ou sélectionnés selon leur rôle. Paul Georges, directeur de l’établissement, s’est réjoui d’une « organisation particulièrement excellente cette année ». La participation des élèves au processus organisationnel revêt une importance cruciale. Mobilisés à chaque étape, ils « travaillent sur un pied d’égalité » avec les adultes, selon les termes de Paul Georges. À la tête des pôles informatique, audiovisuel ou visites culturelles, ou encore en tant que présidents de comités, leur engagement est indispensable au bon déroulement de l’événement. « C’est ce que j’adore dans ce travail », confie le directeur, évoquant sa collaboration avec les élèves. Pour lui, ce projet a le potentiel de « changer ou transformer leur vie », une perspective qui donne tout son sens à cette aventure collective. Une aventure à laquelle les familles sont également invitées à contribuer : environ 150 d’entre elles ouvrent leurs portes pour héberger les participants étrangers durant la conférence, faisant de la convivialité l’un des piliers de l’événement. Cette dynamique crée un véritable élan au sein de la communauté lycéenne, tout en offrant aux élèves un cadre d’apprentissage particulièrement enrichissant. Les objectifs pédagogiques d’un tel événement sont nombreux. En premier lieu, la valorisation de la francophonie constitue une priorité. Les élèves, « bousculés linguistiquement », selon les mots du directeur, évoluent au contact d’étudiants internationaux francophones, ce qui leur permet de progresser rapidement dans leur maîtrise de la langue. Ils découvrent également la francophonie comme un espace de discussion privilégié. Par ailleurs, la pratique du MUN élargit considérablement le champ de la réflexion académique. Elle offre aux élèves l’opportunité d’explorer des thématiques rarement abordées en classe et les invite à décentrer leur regard. Il leur est demandé de s’éloigner des récits transmis par leur éducation ou les médias nationaux pour appréhender les enjeux sous d’autres perspectives, favorisant ainsi une compréhension plus nuancée et globale du monde.

            À en croire les témoignages des lycéennes de Notre-Dame de Sion ayant participé au MFINUE, les objectifs fixés semblent avoir été atteints. Si, de leur propre aveu, « le monde de la diplomatie n’a pas vraiment de lien avec [leur] projet personnel », l'idée « d’améliorer [leur] français » revêt une importance bien plus significative à leurs yeux. Pleines d’entrain, elles relatent « la soirée, avec des concerts et même un DJ », une expérience qui leur a offert une occasion unique de « socialiser » avec d’autres adolescents francophones – une opportunité rare à Istanbul, en dehors de leur lycée. Entre quelques anecdotes savoureuses – comme cette fois où leurs décisions ont entraîné la disparition du pays qu’elles représentaient, ou leur surprise face à la rigueur formelle imposée lors des prises de parole – elles font part de leur joie d’avoir pris part à l’événement, et affirment « vouloir recommencer ». Elles recommandent unanimement cette expérience à leurs camarades. Un succès également salué par Sibel Bölükbaşıoğlu, professeure responsable du Club MUN du lycée. Décrivant des élèves « très motivées » et dotées d’un « grand sens des responsabilités », elle exprime néanmoins un léger regret : « Nous avons été pris de court, ayant appris un peu tard que nous allions participer. » Forte de cette expérience, elle affirme avec conviction : « Avec quelques semaines, voire quelques mois de préparation supplémentaires, mes élèves auraient très bien pu figurer parmi les meilleurs délégués. » Persévérante et enchantée par « l’ambiance générale, très accueillante et chaleureuse », la professeure partage son souhait de renouveler l’expérience l’année prochaine. Le club a d’ores et déjà reçu plusieurs invitations pour des événements de ce type, notamment à Izmir et même à Genève.

            Pour l’année prochaine, Paul Georges se montre confiant : « Depuis trois ans, nous sommes en constante progression. Nous avons accompli quelque chose de solide, sans réel défaut, si ce n’est quelques détails. » Selon lui, bien que quelques ajustements soient nécessaires, notamment en matière de communication – pendant les échanges entre correcteurs et débatteurs, par exemple –, « la prochaine étape consiste à franchir un nouveau cap de professionnalisation. » Cela passera par un renforcement de leurs partenariats, en particulier avec l’Association Française pour les Nations Unies (AFNU), une meilleure mise en valeur des résultats de leurs travaux, notamment après l’événement, ainsi qu’une présence accrue sur les réseaux sociaux. « On y va par étape », conclut le directeur.