Réindustrialisation et défis du label « Made in France » au cœur d’un Salon incontournable (Un article de Jules Pissembon)

​Alors que l’automne avance, un bazar atypique s’organise dans le sud-ouest parisien. Du 8 au 11 novembre, la Porte de Versailles à Paris accueillait le Salon du Made in France, organisé par MIF Expo avec un objectif clair : promouvoir le savoir-faire français en mettant en lumière des produits conçus et fabriqués sur le territoire national. Un effort salué par les acteurs industriels locaux, qui y voient un soutien dans un contexte économique tendu.

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Par Aujourd'hui la Turquie
Publié en Janvier 2025

Depuis près de vingt ans, la France enregistre un déficit commercial important, illustrant le fossé entre importations et exportations : pour le premier semestre 2024, il s'élève à près de 40 milliards d’euros (selon le rapport d’août 2024 de Bercy). Le désengagement de l’État dans le soutien à l’industrie, associé à une concurrence européenne de plus en plus intense, contribue en partie à cet affaiblissement de l’équilibre commercial français. Pour inverser cette tendance, la réindustrialisation et la relocalisation doivent devenir des priorités.

Au Salon du Made in France, petites et grandes entreprises, artisans et grands groupes industriels représentaient tous les secteurs d’activité, du textile à l’innovation technologique, en passant par l’ameublement et les produits de bien-être. Nouveauté cette année : l’invitation d’acheteurs internationaux culturellement attirés par le savoir-faire français, dans le but de collaborer ou d’échanger directement avec les fabricants. La présence internationale est également mise à profit par une étude menée à l’échelle du Salon sur la perception du label « Made in France » par les consommateurs étrangers, notamment américains, chinois, allemands et italiens. Ces derniers ont été interrogés sur l’accessibilité des produits français, leurs habitudes de consommation et, originalité cette année, l’impact des Jeux Olympiques sur ces comportements. Parallèlement, de nombreux prix ont été décernés à des entreprises qui font la fierté du secteur industriel français. En plus des cinq distinctions habituelles ‒ meilleur entrepreneur, espoir, meilleur produit, meilleure innovation et coup de cœur du public ‒ a été créé le Grand Prix de l’Export. Remis le 8 novembre, ce prix récompense une entreprise française ayant su se démarquer par ses performances à l'international. Cette année, c’est Airplum, fabricant de chaussons et semelles ergonomiques, qui a remporté cette distinction.

Si le Salon du Made in France est une initiative à saluer, il n’est toutefois pas exempt de critiques. Dans une certaine mesure, en s’inscrivant dans un effort national de réindustrialisation par la promotion des produits locaux et d’une logique de circuit court, le salon contribue indirectement à la lutte contre le réchauffement climatique en soutenant la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au transport international. Cependant, cette position comporte le risque d’un greenwashing décomplexé, où les acteurs industriels pourraient exploiter le label « Made in France » sans réellement s’engager dans une démarche écologique concrète. De plus, le prix élevé des produits portant cette étiquette limite largement leur accessibilité pour les consommateurs au budget restreint, les incitant à privilégier des options importées, souvent moins chères mais à forte empreinte carbone. En outre, la définition floue du label contribue à cette déficience. Le soutien à l’emploi promis par le Salon ‒ à travers son aide affichée aux secteurs menacés par la délocalisation ‒ est également compromis par cette pratique du French washing. Ce procédé fait référence aux allégations mensongères des marques prétendant proposer des produits « 100 % made in France », alors qu’en réalité seule une partie négligeable de la chaîne de production est effectivement concernée. Dans la loi, le label « Made in France » n’existe pas, et les étapes minimales à réaliser sur le territoire national pour pouvoir apposer ce label ne sont pas clairement définies. Afin de véritablement soutenir l’effort industriel français, il est crucial d'informer le consommateur, qui ne peut pas se fier uniquement à la bonne foi d’un producteur.