Cela faisait deux ans que la République libanaise était privée de président. Après neuf tours de scrutin infructueux depuis septembre 2022, le dixième tour a finalement permis de briser l'impasse en élisant un nouveau président de la République, le jeudi 9 janvier. Plébiscité par une large majorité de 99 voix sur 128 au second tour, Joseph Aoun prend les rênes du pays et met fin au gouvernement intérimaire, vivement critiqué, de Najib Mikati.
Joseph Aoun, chrétien maronite conformément aux exigences du système confessionnel libanais, est une figure de premier plan au Liban. Ancien militaire et donc perçu comme extérieur aux luttes partisanes, il provient de l’une des rares institutions relativement stables du pays : l’armée régulière, qu’il dirigeait depuis 2017. À la tête de cette institution, il a su tisser des relations stratégiques privilégiées avec des puissances telles que les États-Unis, la France et l’Arabie saoudite. Ces soutiens internationaux ont joué un rôle déterminant dans sa candidature, renforçant ainsi sa légitimité tant sur la scène nationale qu’internationale. Saluée pour le message d’espoir qu’elle incarne, cette élection demeure néanmoins controversée, principalement en raison de ce statut de militaire. En effet, la Constitution libanaise stipule que les hauts fonctionnaires, y compris les chefs militaires, doivent démissionner de leurs fonctions au moins deux ans avant de pouvoir se présenter à la présidence de la République. Une règle que Joseph Aoun n’a pas respectée, nécessitant ainsi une modification constitutionnelle adoptée par le Parlement pour permettre sa candidature. L’élection de Joseph Aoun reflète donc les compromis politiques nécessaires pour surmonter les blocages institutionnels du pays et constitue une avancée notable vers la stabilisation tant attendue du Liban.
Trois jours plus tard, le 12 janvier, Nawaf Salam est nommé Premier ministre. Musulman sunnite de 71 ans, ancien diplomate chevronné et président de la Cour internationale de Justice (CIJ) à La Haye, il a su bâtir une carrière marquée par son éloignement de la classe politique traditionnelle libanaise, souvent critiquée pour sa corruption endémique. Perçu comme une figure impartiale, il a obtenu le soutien de 84 députés sur 128, principalement issus des forces politiques opposées au Hezbollah. Les défis pour ce nouveau Premier ministre sont immenses : la crise économique de 2019 perdure au Liban, et des réformes sont indispensables pour espérer débloquer la situation ; la géopolitique régionale traverse un moment critique, avec l’installation d’un nouveau pouvoir à Damas, avec qui il est désormais crucial d’assainir les relations, notamment pour résoudre la crise migratoire ayant entraîné l’afflux de près de 1,5 million de personnes au Liban ; Nawaf Salam devra également œuvrer pour faire respecter par Israël les termes du cessez-le-feu, afin que les habitants du Sud puissent revenir chez eux et entamer les démarches nécessaires à la reconstruction ; enfin, il lui incombe de mettre un terme à la corruption des élites et de promouvoir les efforts de réconciliation confessionnelle, éléments essentiels pour l’avenir du Pays du Cèdre.